J'ai rêvé du Bayon

Récemment, sur un site de voyageurs (https://www.unsacsurledos.com) la blogueuse racontait sa déception lors de son voyage au Cambodge, dans la ville de Siem reap et durant la visite du site d'Angkor. Je me suis souvenu de ma visite il y à déjà 12 années dans ce qui était alors encore un village tranquille et la promenade en mob sur le site des temples, bien moins fréquentés à l'époque. En fait je n'étais pas venu spécialement pour Angkor Vat mais pour le Bayon, le temple-montagne et ses tours à visage. Je rêvais depuis longtemps de contempler ces faces de pierre souriantes orientées aux 4 points cardinaux. On à beaucoup glosé sur les sculptures du Bayon, visages de roi, du Bouddha, de Brahma, les paroles ont glissé sur ces figures sereines, plongées dans une longue méditation qui dure depuis 900 ans.
J'avais un "pass" de 3 jours mais attaché à mon indépendance j'ai loué les services d'un jeune gars du coin qui m'a transporté sur sa mobylette pour 50 $. C'était de l'argent bien employé, il m'a emmené partout, même dans des temples ignorés des touristes et bien sûr aussi au célèbre Bayon. Sur le moment, j'ai failli être déçu: quoi? ce fameux temple qui m'avait tant fait rêver ne ressemblait qu'à un tas de blocs de pierre empilés en vrac, les uns sur les autres?. Et puis je suis entré et mon rêve s'est matérialisé, j'étais sous le charme, jusqu'au moment ou un car de touristes à débarqué... Ils se sont répandus comme une maladie honteuse, riant et parlant fort, sans vergogne ni respect pour cet endroit, piétinant ma méditation et ma conversation avec les pierres. Sur les conseils de mon jeune guide, nous sommes revenus le lendemain au lever du soleil, le Bayon pour moi tout seul, baigné dans une belle lumière orangée, quelle beauté! Ma peau, mes yeux, tous mes sens ont embrassé cette merveille, j'en oubliais de faire des photos, je suis resté jusqu'à l'arrivée des grappes de braillards sans rêves, qui prennent sans comprendre ce qu'ils prennent et ne donnent jamais rien... Du matin au soir, durant les 3 jours de mon "pass" j'ai marché, transpiré, j'en arrivais à sentir le parfum de la pierre, des petits perroquets criaient dans les grands arbres, j'ai caressé le passé magnifique du Cambodge, j'ai oublié les innombrables photographies de gens terrifiés dans l'ancien lycée de Tuol Sleng, les instruments de torture, les traces de balles sur les pierres de Angkor Vat.

 

 

 

Le sourire de l'Apsara de pierre

Plus tard, j'ai erré à travers les ruelles entre les vieilles maisons de bois, au bord du canal, j'ai marché sur la route de poussière rouge, croisant de vieilles femmes allant au marché ou des écoliers en uniforme. J'avais gardé un excellent souvenir de ces 4 jours passés à Siem Reap, jusqu'à l'année 2014 ou j'étais revenu dans ce pays pour visiter des amis. J'ai eu l'idée de revenir à Siem Reap et peut-être revoir les temples, un coup de nostalgie sans doute. Mais je suis méfiant, j'ai d'abord tâté le terrain, déjà il y avait beaucoup plus de touristes que lors de mon dernier passage. Les boutiques de souvenirs et les hôtels de luxe semblaient avoir poussé comme de la mauvaise herbe. Et comme je voulais me consoler, je cherchai ces vielles maisons de bois sur pilotis, avec des jardinets fleuris et de frêles clôtures de bambous... Horreur! tout avait disparu, à la place des maisonnettes, du gazon bien tondu, des bordures de ciment peintes en blanc, et des buildings pleins de marbre et de jets d'eau pour accueillir les touristes. J'étais horrifié d'imaginer que l'on ait pu exproprier ces gens pour faire de cet endroit une hideuse pompe à fric. L'expropriation pour raisons de projets immobiliers juteux liés ou non au tourisme est fréquente au Cambodge, les "indemnisations" sont généralement misérables mais les pauvres n'intéressent personne.
Du coup, j'ai préféré repartir, garder intact au moins, le souvenir de ma première visite et tenter de ne pas penser à ce que j'avais découvert. Il semble également que sur le site des temples l'étranger soit sans cesse sollicité pour raisons commerciales, bien sûr rien à voir avec ce que j'avais connu la première fois. Et qu'on ne me dise pas que le tourisme amène des devises! seule une poignée de politiciens et d'affairistes véreux en profitent, les autres n'ont que des miettes. Le peuple Cambodgien mérite bien mieux et je garde espoir qu'un jour, ils sauront trouver leur chemin, sans l'espoir et sans les rêves, que reste t'il de nous?
 

et celui de celles de chair...