Covid 23 (fiction?)

 

 

 
J'étais sur un vieux bateau rongé par la rouille, sa coque pourrie flottant à peine sur les vagues sombres. Autour de moi, jusqu'à la limite des regards, il n'y avait rien...
Alors l'eau s'est mise à bouillonner et des flots écumeux ont jailli les tentacules gluants du Kraken, ils brandissaient des pancartes bleu-blanc-rouge ou était écrit: "Marine Trump pour Président" et d'autres: "La France de nouveau grande" ou encore: "suprématie blanche!". Tiens, me suis-je dit, le Kraken est en campagne, ça peut marcher, il à le bras long... Et puis je me suis réveillé, la respiration courte, hagard et en sueur. Lentement, comme un film au ralenti, j'ai quitté la chaleur apaisante de mon lit pour m'approcher de la fenêtre. La rue était vide et grise, il pleuvait encore alors qu'il aurait du neiger. j'ai vu passer un SUV noir de la Milice, glissant sans bruit sur le macadam luisant. sur un mur sans fenêtres détonnait la grande affiche aux couleurs vives qui représentait un jeune homme blond sanglé dans un uniforme brun, au-dessus de sa tête était écrit en belles lettres gothiques: "Pour l'avenir de ta race engage-toi dans les Brigades de jeunesse!".
 Merde! durant un moment délicieux, j'avais cru avoir seulement fait un cauchemar mais le réveil est brutal, sans concession, un frisson m’a secoué pourtant je n'avais pas froid...
Le virus du Covid avait muté plusieurs fois et la nation tournait au ralenti. Les gens, terrorisés, dégoûtés par l'indifférence et la rapacité des élites, avaient voté pour "Honneur et Nation". Plébiscité à cause de son apparente volonté de changer les choses et de sa façade respectable soigneusement peaufinée. Le nouveau gouvernement à rapidement pris le pays en main, une main de fer...
Les ordonnances liberticides décrétées dans l'urgence d'une maladie qui régresse enfin, sont devenues des lois.
Il y à eu le temps des purges: les policiers qui n'étaient pas dans la ligne du parti ou trop "basanés" ont été limogés sans indemnité, l'armée "épurée" de la même manière, l'administration mise sous surveillance. La presse encore libre à été muselée sous prétexte qu'elle ne donnait que des "fake news". Personne ne peut plus rien rendre public sans un visa de censure et l'internet est sous surveillance, les sites jugés "subversifs" sont fermés, les auteurs de propos ou d'images critiques pour le pouvoir, sévèrement sanctionnés.
Hélas, le pire était à venir, les autorités ont rapidement mis en place des camps entourés de barbelés ou croupissent, en attente d'expulsion, les étrangers immigrés avec ou sans papiers, rapidement rejoints par les opposants au nouveau système et les citoyens "d'origine douteuse". Ces camps, installés dans la périphérie des villes, sont entourés d'une large zone interdite, dite "de sécurité". Leur gestion est parfaitement opaque mais des rumeurs circulent. Certains disent tout bas que les prisonniers testés négatifs au virus fournissent une main d’œuvre gratuite a des industriels sans scrupules alléchés par les profits substantiels que  cette offre génère.
 Les meilleurs postes laissés vacants par les purges sont réoccupés non sans enthousiasme par les heureux possesseurs d'une carte du parti. La Constitution à été réécrite, les droits fondamentaux supprimés .
Les membres de la Milice du nouvel ordre" patrouillent à présent les rues guettant le moindre comportement "déviant", ils bastonnent et incarcèrent. Munis de pouvoirs quasi-illimités, ils peuvent perquisitionner les logements et embarquer les occupants sans que cela ne nécessite une quelconque autorisation.
Mon voisin Monsieur Pabandji, ingénieur dans une importante firme d'appareils électroniques à ainsi disparu un jour sans que je parvienne à savoir ce qu'il était devenu. Sa belle maison, pillée par la Milice est à présent occupée par le dirigeant local des "Légions du Christ", la plus importante association religieuse intégriste du pays. Que sont devenus sa souriante épouse et leur gentil petit garçon?. Qu'est devenu ce pays déjà tellement malmené par les politiques successives de ses dirigeants sans scrupules?. L’empathie est devenue une faiblesse, "faire du social" une insulte.
 Nous aurions du sentir le vent tourner. La dérive de ce qui n'était déjà plus réellement une démocratie aurait vraiment du nous mettre la puce à l'oreille. Ils ont noyé leurs  parjures sous des flots de mensonges, caché leur scélératesse derrière le bouclier du "bien commun". Nous aurions pu nous battre, lutter pied à pied mais, endormis dans le cocon de notre morne quotidien, ligotés par la peur, nous sommes restés passifs.

Alors j'ai regardé ce lit aux draps défaits, il m'a semblé être un havre de paix tiède et douillet, attirant comme un ultime refuge. Et me suis recouché, tandis que dehors, de nombreux pays déjà engagés dans une "démarche autoritaire" nous emboîtaient joyeusement le pas, la lourde botte sur nos épaules nous empêchait de relever la tête.
J'ai rêvé aux esprits de l'Amazonie, à présent agonisants sans leur vêture de forêts millénaires. J'ai rêvé à la mer recrachant ses déchets innombrables sur les plages oubliées. J'ai rêvé du monde tel qu'il était dans sa jeunesse quand les premiers hommes marchaient libres sur la matrice féconde qui leur avait offert la vie. J'ai rêvé à ce que cette planète aurait pu devenir, un endroit ou il fait bon vivre, un paradis à jamais perdu, souillé, blessé...

D'étranges rumeurs sont venues à mes oreilles: le vaccin douteux trop vite mis en circulation aurait tué des gens, mais ils n'étaient sans doute pas vraiment morts puisqu'ils sont sortis de leur sacs mortuaires pour mordre sauvagement les personnes sur leur route. Nul n'a pris cette loufoque information au sérieux, toutefois il semble que la Milice ait cessé de nous traquer et cela n'augure rien de bon.


Hier, en rentrant du boulot, J'ai vu un groupe de personnes, apparemment très malades attaquer des miliciens. Indifférents aux balles, ils ont arraché leurs casques pour les mordre au visage. Les hommes mordus, sans se soucier de leurs terribles blessures, se sont jetés sur leurs collègues pour les mordre à leur tour. C'était terrifiant de violence et je me suis enfui avant d'être pris à partie.Je ne comprends plus rien et ma peur devient panique, une seule question tourne comme un tison dans ma tête: que se passe t'il?...

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