Du voyage immobile...

Le cinéma, grâces lui soient rendues est un magnifique moyen de réaliser des voyages immobiles. Je ne parles pas du fameux "7 ans au Tibet" de Jean-Jacques Annaud ou des "Carnets de voyage" de walter Salles qui sont déjà cités dans la plupart des blogs qui traitent du sujet. Non, dans mon souvenir, le premier film qui m'a donné envie de voyager, c'est "L'homme de Rio" de Philippe de Broca. Les mésaventures du soldat de 2e classe Dufourquet venu à Paris pour une permission d'une semaine et qui, à la poursuite des ravisseurs de sa pétillante fiancée se retrouve dans une favella à Rio, puis dans la jungle d'Amazonie tentant d'échapper à l'appétit d'un crocodile et enfin confronté aux débuts de la déforestation avec le percement de la Transamazonienne. Tout ceci, finalement pour regagner à temps sa caserne, permission terminée, une aventure à la Tintin, joyeuse et dépaysante.
Un poil plus récent, j'avais apprécié "L'adieu au Roi" de John Millius d'après le roman homonyme de Pierre Schoendoerffer. Pendant la seconde guerre mondiale, un déserteur de l'armée Américaine, devient roi d'une tribu Dayak, au fin fond de la jungle de Bornéo. Un beau voyage et l'opposition de l'esprit libre du "sauvage" avec la civilisation bien-pensante et ses manipulations guerrières. Le film à été tourné dans les décors réels de Bornéo avec Nick Nolte dans le rôle principal. Ce film n'à pas eu, paraît-il un grand succès public, curieux comme les gens sont imperméables à ce genre de choses.
Et "La forêt d'émeraude"? vous en souvenez-vous? Sans doute pas le chef-d'oeuvre de John Boorman, mais une belle ballade et en plus tiré d'une histoire vraie, piochée par le scénariste dans le Los Angelès Times, celle d'un ingénieur Péruvien dont le fils avait été enlevé par des indiens. J'ai du voir ce film deux ou trois fois, toujours avec autant de plaisir, il est vrai que le sujet est aussi assez "écolo" pour me plaire..
Je refais un saut en arrière avec "Le Fleuve" de Jean Renoir sorti en 51, nous n'étions pas nés! Dans les années 90 j'allais souvent en Inde et je dévorais tout ce qui avait un rapport avec ce pays. "Le Fleuve est un très beau film, tourné en Inde, c'était alors un autre monde! Et l'assistant de Renoir était un certain Satyajit Ray...

 A la même époque, j'ai lu "Nocturne Indien" de Tabucchi et bien sûr, j'ai vu le film d'alain Corneau avec cette étrange ambiance, entre ombre et lumière, ce périple qui mène le narrateur, des femmes vendues de Falkland road aux plages de Goa.
Mais plus je fouille ma mémoire, plus j'en trouve d'autres comme "L'étoile imaginaire" de Gianni Amelio, ou un responsable de la maintenance d'une aciérie en Italie, se voit obligé de se rendre en Chine ou il retrouve une jeune interprète qu'il avait contribué à faire licencier. Il s'ensuit un périple à travers la chine profonde pour apporter une pièce qui doit remplacer celle,défectueuse, qui risque de provoquer un accident.
Plus récemment j'ai vu avec plaisir "Wild" avec Reese Witherspoon, lancée dans une randonnée initiatique de 4200 kilomètres sur la "Pacific crest trail". D'ailleurs le sujet des voyages désespérés ou initiatiques est lui aussi inépuisable, depuis les caravanes de pionniers des westerns en passant par les cultes "Easy rider", "Into the wild", tous sont des voyages qui changent les protagonistes, pour le meilleur ou parfois le pire...
Le cinéma étranger, est source de dépaysement, c'est pour ça que je l'aime, que ce soit "L'été de Kikujiro", "La vallée des fleurs", "Mountain patrol" ou "A cidade de Deus", ou ""Les chemins de la liberté" pour ne citer qu'eux. Ces réalisateurs nous emportent pour nous proposer une autre vision du monde, parfois intimiste, sans que nous ayons à bouger de notre fauteuil, même si rien ne nous en empêche...Les livres sont aussi un puissant outil de rêve et de voyage, comme cet incroyable reportage d'un voyage autour du monde par Louis-Antoine de Bougainville, réalisé au 18e siècle. Il y avait peu de touristes alors et comme James Cook à Hawaï, le pékin aventureux risquait de servir de casse-croûte, le monde était tellement différent alors! Le lecteur aventureux n'oubliera pas les "Aventures de mer" et "Les secrets de la Mer Rouge" d'Henry de Monfreid, grand aventurier si il en fut.

Lisez "Le vagabond solitaire" de Kerouac, plutôt que le trop connu "Sur la route" et "d'outremer à indigo" de Blaise Cendrars qui à aimablement donné son nom à ce modeste blog. Pour finir, mais il y en à beaucoup d'autre, plus récents, "Au cœur des ténèbres" de Joseph Conrad, qui à servi de trame au magnifique "Apocalypse now", "La terre aux fruits d'or" de Jorge Amado et "La longue route" du navigateur de la mer et de l'âme: Bernard Moitessier.

 Ah, "Sept ans d'aventures au Tibet" est aussi un bouquin de Heinrich Harrer auteur et protagoniste de cette belle et tragique histoire, témoin de l'invasion du Tibet par les troupes Chinoises en 1950. Cela m'ennuie de n'en pas citer d'autres mais il faut bien que je m'arrête, je citerai encore la grande aventure guerrière de T.E. Lawrence dit:"Lawrence d'Arabie": "Les sept piliers de la sagesse", "L'homme qui voulut être roi" de Rudyard Kipling et l'incontournable "Tristes tropiques" de Claude Lévi-Strauss, un voyageur qui, de par son métier, retenait tout des gens qu'il rencontrait mais était aussi un philosophe. Bon il y en à encore plein, de Alexandra David-Neel à Nicolas Bouvier, tous vagabonds qui nous donnent envie de partir et nous font croire que nous sommes partis alors que nous sommes encore là...



    « Ma conception du voyage avait changé : la destination importe moins que l’errance. Partir, ce n’est pas chercher, c’est tout quitter, lieux, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir n’a d’autre fin que se livrer à l’inconnu, à l’imprévu, à l’infinité des possibles, voire à l’impossible. Partir consiste à abandonner ses repères, la maîtrise, l’illusion de savoir, et à creuser en soi une disposition hospitalière qui permet à l’exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but. »

Éric-Emmanuel Schmitt, "La nuit de feu", 2015