Souvenirs du Népal

Du coup, j'ai recherché dans mon fouillis d'autres textes, écrits en voyage, sur l'instant, cela ne m'est pas arrivé souvent de tenir de vrais carnets, seulement depuis trois ou quatre ans et tout ce que j'écris n'a pas forcément de l'intérêt. Néanmoins j'ai récupéré quelque pages qui m'évoquent des images puissantes, comme celles-ci, souvenir de mon dernier voyage au Népal, il y à deux ans..

Kathmandu, Népal. Au matin, je suis parti à pied vers Pashupatinath, centre religieux indouiste, sur les berges de la Bagmati. Je me souvenais mal du chemin et finalement, je me suis perdu. Mais se perdre dans un ailleurs parfumé de dévotion, peint des couleurs de l'imaginaire, barbouillé des bruits, des sourires et des pestilences, au pied des monarques de pierre figés dans l'éternité, n'est pas se perdre, c'est se diluer, s'oublier, pour mieux se retrouver. J'ai erré par les rues et ruelles, guidant mes pieds sur les trottoirs défoncés, ne prenant les images que dans mes yeux ouverts, mais ouverts tellement. Une mère aux yeux noircis de khôl lavait son enfant, un bébé brun et luisant, rond comme une statue du Bouddha, dans l'eau savonneuse d'une bassine de zinc, accroupie dans la rue, comme chez elle. Un saddhu à barbe blanche, assis au pied d'un vénérable stupa de pierre buvait un verre de thé, son autre main crispée sur son trident et le symbole fourchu de Shiva étincelait dans le soleil qui montait lentement au-dessus des maisons de brique délabrées. Dans son échoppe encombrée, qui sentait les copeaux de bois rouge, un vieux menuisier sculptait un oiseau sur un panneau de porte, il voit que je l'observe et me sourit, dans sa moustache grise, "namaskar!" il me dit, "namaskar!" je lui réponds. Et je marche toujours, dans la poussière et les fragrances d'encens, dans la boue et les détritus, partout, des images de Ganesha ou de Durga, dans des niches au coin des rues. Images de pierre, luisantes de beurre, enduites de poudre rouge, on les touche du doigt et l'on se touche le front, on dépose quelque pétales de fleurs. Une ribambelle d'enfants sales et dépenaillés passe en courant riant et jacassant comme une volée d'oiseaux des rues. J'ai traversé un pont sous lequel coulait une étroite rivière qui n'était qu'un égout à ciel ouvert, charriant une boue noirâtre que personne ne voyait ni ne sentait. Un marchand ambulant pédale sur son vieux vélo surchargé de grappes de raisin qui ressemblent à des olives noires, des beignets dansent dans une grande bassine d'huile fumante et sans cesse, passent voitures et motos qui soulèvent la poussière sur les jeunes gens aux regards noirs et effrontés, les hommes portant calot et les femmes, drapées dans des saris, colorés comme des jardins. Je croise quelque beautés aux yeux gris ombrés de noir, et leurs longs cheveux lisses, brillent dans le soleil, elles vont, d'un pas de princesses, fières et droites, dans la brume de poussière.
Sur une avenue, des policiers en uniforme impeccable, chevauchent avec orgueil de petits chevaux tranquilles, un gros taureau noir arpente le bord de la chaussée avec une lenteur paresseuse, une minuscule vieille marche d'un pas rapide en marmonnant.
Voilà que j'arrive à un grand parc, entouré de solides grilles fraîchement repeintes, planté de beaux arbres. Le sol est jaune et pelé, jonché de papiers et d'emballages vides, mais les gens y sont assis comme sur un frais gazon vert, ils discutent, mangent et rient. Finalement, je rejoins la vieille ville et ses étroites ruelles de briques, ses minuscules échoppes si proches les unes des autres qu'elles semblent mélangées. Presque à chaque croisement de rues, se dressent d'antiques temples aux toits de pagode, des vols de pigeons jouent à plonger dans les ombres et à s'éparpiller dans la lumière, se posent aux balcons de bois sculpté, au bord des toits, au sommet des stupas qui flamboient. Les maisons ici, n'ont plus d'age, elles penchent, se tordent, croulantes mais pleines à craquer de vie, de cris d'enfants, de fruits, d'épices, de fils tendus ou sèchent les vêtements. Le barbier est bondé de clients, qui attendent dehors en buvant du thé, des vélos chargés de plateaux d’œufs ou d'énormes bottes de légumes, se fraient un chemin dans la cohue, des pots et des marmites de cuivre poli brillent comme des soleils. Je me suis égaré un peu plus, passant des porches plusieurs fois centenaires traversant des cours désertes et silencieuses. Assis dans un rayon chaud et doré devant un stupa blanchi à la chaux qui me veille avec bienveillance, je vide mon esprit. Un chien taché de noir et de blanc s'est assis à mes pieds, une dame et son enfant passent, elle me sourit, je suis tranquille, mon âme est en paix, c'est bien pour ça que je suis venu... Là-bas, surplombant la vallée, veillent les sommets légendaires de la chaîne des Himalaya, le front éternellement blanchi de neige, et même si un mur les cache, ou qu'on leur tourne le dos, on ne peut oublier qu'ils sont là, il suffit de les voir une fois, pour que se grave à jamais leur majestueuse image dans votre mémoire...

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