six semaines
Après six semaines passées loin de tout, sans avoir aucune nouvelle du monde extérieur, la reprise de contact à été difficile. J'ai mis des mois à retrouver mes marques, ou peut-être que je n'en avais pas envie...
J'avais le phantasme d'être un expatrié de longue date oublié au fin fond du monde connu, dans un avant poste perdu aux extrémités de ma zone de confort. Ce n'était qu'une illusion, bien sûr, mais si douce, si comblée de vigueur et d'espoir, si brillante de couleurs qu'elle à été ma seule réalité. Depuis que j'ai repris mes habitudes, et je n'en avais pas envie, je peine à raconter ce qui n'est pas un voyage mais comme un rêve, une chose intime que l'on hésite à partager.
Vers Lo Po waterfall |
Je suis revenu en espérant que durant mes longues marches dans la jungle, le monde aurait changé, curieuse idée, puérile bien sûr et la déception à été à la hauteur de mes attentes. Je suis sans doute trop vieux pour considérer le voyage comme seulement un déplacement temporaire vers une zone folklorique(vu à la télé!). Chaque voyage opère un changement en moi et c'est étrange de voir à quel point je me déconnecte de ce monde futile, violent ou nous vivons, et quel bonheur je prends.
Mais aussi avec quelle douloureuse fatalité je dois prendre le chemin du retour.
En reprenant pieds dans mon propre monde je me heurte à une évidence: quel que soit le lieu vers lequel je porte mes regards, et si je suis lucide sur l'évidence, le schéma est le même: une instance dirigeante, les avantages que cela implique, la soif du pouvoir et de l'avoir, son pendant obligé: la corruption et le mépris des petits, des pauvres... Partout, la réalité est la même et si l'on tente de nous persuader du contraire, de faire appel à notre fierté nationale, ce n'est qu'un mensonge.
Quoi d'étonnant à ce que je me détourne vers cette nature blessée et violentée, que j'y cherche l'absolu, le spirituel, la paix de l'esprit et la capacité de réfléchir, de contester, de refuser des dogmes dans lesquels je ne me reconnaît pas. Les arbres, les plantes, les animaux ne nous demandent que du respect, pas de l'argent ni des croyances débiles.
Ao Pasang beach |
Cours d'eau dans la jungle |
Le monde des hommes me fait peur, me terrorise vous peut-être comme moi. Mais je refuse la pensée de "grande distribution", confortable puis qu’indiscutable, écrite dans des bouquins trop vieux que personne n'ose plus contester ou distillée comme vérité par des médias souvent complaisants.
La nature est ma déité, Gé, Gaïa, Pachamama, quelque soit son nom, je suis issu d'elle, elle est moi et me reprendra le moment venu, c'est tout, pas besoin de bouquin pour comprendre ça.
Lo Po beach |
Bo, ranger du parc de Tarutao, Ao Son |
Il reste encore quelques espaces ou l'on peut être un humain jouissant de la beauté et de la paix, en faisant le pari de n'être pas un touriste comme les autres. Je ne voyages pas seulement pour le monde mais aussi pour ses habitants, au fil du temps ils m'ont aimé, bouleversé, attendri, parfois peut-être, par malchance, m'ont-ils révolté et effrayé parce que l'humain est le monstre du placard. La Bête et l'Ange dans une seule espèce, le parasite et le jardinier, je ne sais seulement lequel prendra le dessus.
Cela ne tient qu'à nous, l'avenir du monde est-il un objectif trop ambitieux?
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Allez, sois pas timide!