Le Frisson


"Ou sont donc les nuits d'or sur les berges des sources?
Ivre des proies, je buvais des éclats de lune.
Ou sont donc les jours de pluie torrentielle,
qui ébranlaient les quatre horizons de la forêt,
lorsque en silence je contemplais les métamorphoses de mon royaume?
Ou sont donc les aurores aux arbres verts, ruisselants de soleil.
Quand les oiseaux chantent la splendeur de mon sommeil?"

May Van Tho, Poëte Vietnamien

Et une fois encore, je me prépare au départ; quatre semaines passent si vite. Je désire partir comme un homme qui s'étouffe désire un goulée d'air. Mais dix huit mois d'une vie, dilapidés dans la disgrâce et les tracasseries c'est beaucoup trop encore sans pouvoir respirer un parfum de liberté. A présent, quelque semaines me séparent de cet autre monde, de la présence rassurantes des arbres tranquilles, de la fureur impatiente du souffle et de la vigueur du monde. Du vrai monde, notre géniteur, la durée et l'émotion, la vitalité inscrite sous scellés dans le livre immense de l'infini.
Ici, sous la contrainte et l'anathème, j'aspire à la volupté, non point la molle sensualité, le veule plaisir sans horizon mais Le Frisson. Le Frisson, si je peux me permettre de l'expliquer, c'est se sentir vivre alors qu'à chaque seconde l'échéance se rapproche, se connecter à l'univers comme on pénètre un corps aimé. C'est tout entier se glisser dans la matrice clairvoyante à qui nous appartenons. C'est n'être qu'un vaisseau lumineux voguant voiles dehors vers le seul réel tangible. Tout le reste n'est que contrainte, chimère et fantasme. Il est ici même, le sens de la vie car nous avons besoin qu'elle ait un sens. Il n'y à pas d'autre réalité, l'accomplissement est le respect et l'amour des choses qui vivent. Laissez les faibles d'esprit, les sots, les criminels, les enjôleurs en costards anthracite, les dispensateurs de vérités spirituelles éructer leur délire toxique.
J’aime tellement cette sensation d'être regardé de haut par des plantes si grandes qu'on les appelle des arbres. Dans une forêt tropicale, les fleurs poussent à trente mètres du sol, les lézards font deux mètres de long et pour trouver une compagne, les oiseaux font des shows, dansent et chantent bien mieux que les stars de Broadway. Toute forêt, vraie forêt, je veux dire, car dans ma région elle est seulement une culture, destinée à faire de la pâte à papier ou du bois de lambris. Toute vraie forêt est un patrimoine et une responsabilité, allez vous y promener car vous en êtes responsables, les espaces naturels sont la matière dont vous êtes faits, votre futur et celui de vos enfants.
Bon, voilà je me suis encore échauffé, mais mon cœur est chaud, qu'y puis-je? Une chose est certaine: je ne ferai pas violence pour vous obliger à me croire...




"Là-bas tout est légende et tout est féerie.
Et l'azur s'anime d'un cristal au ton mythologique.
Douce, la vie est douce
à l'ombre du vieux mur qui vit nos grands Aîeux,
Conducteurs des Tribus. Fondateurs de royaumes
Parés de leur jeunesse épique, parés de pagnes bigarrés
parés de gloire et de clarté comme les astres du Tropique. Là- bas c'est le soleil!

"La lyre à sept cordes"  Jacques Rabemanandjara,  poëte Malgache

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