L'appel du vert

Je suis arrivé à Bangkok dans un état un peu comateux, un peu zombie même, pour être honnête, mais le lendemain, après une nuit de chauve-souris, je suis reparti direct vers le sud, j'étais un peu inquiet, le temps était pluvieux, j'étais morose et épuisé. A Hat yai je me suis dit qu'il valait mieux me reposer un peu, la guest house était légèrement pourave, les sanitaires basiques selon les critères Européens mais le lit suffisamment grand pour y étaler ma misère et me reposer les yeux, sinon j'allais avoir un arrêt cardiaque. Le surlendemain, mon sac était gonflé à bloc et moi aussi, j'avais acheté des boîtes hermétiques, des fruits secs, une paire de claquettes et de l'ovaltine, un truc en poudre à base de soja. C'est sur que sans les touristes, rien ne serait pareil, il y à une dizaine d'années le petit port de Pakbara et ses vieilles barques qui pourrissaient dans la vase de la berge avait un autre visage. Là, c'est un terminal grand comme un aéroport de campagne qui grouille de monde dans l'habituel bordel organisé, finis les petits bateaux de bois si frêles dans les vagues, ce sont de véritables fusées de plastique qui foncent sur les flots, chargés et même surchargés d'humains munis d'un large éventail de sacs de toute sorte. Bien sûr, comme toujours, c'est chacun pour soi, les plus jeunes se posent, les moins rapides restent debout, il n'y en avait qu'un, c'était moi... Mais dès que j'eus débarqué sur Tarutao, tout à changé, des visages connus m'ont souri, j'ai serré des mains et après m'être enregistré j'ai cramé une bonne heure dans la chaleur moite en attendant le petit camion bleu qui m'emmènerait à Ao Molae. Kaï était là, souriant et replet "hey mister John!!" et le grand Pitcha, sa clope au bec et Deng qui se marre tout le temps et la minuscule et adorable peste qui lui sert de fille: Fei. La tente achetée sur internet était bien trop petite, c'était moi ou le sac, impossible de caser les deux, pourtant j'étais sûr qu'elle était à deux places...Kaï m'en à prêté une bien plus grande, mais fragile comme du papier, vieille et brûlée par le soleil, la bâche de plastique, couleur camouflage (ça fait plus aventurier) que j'avais dans mon sac, signe que je n'avais pas tout foiré, m'a bien servi à rendre plus étanche un abri qui ne l'était pas du tout. J'avais l'impression d'être rentré à la maison, même les fourmis rouges me sont tombées dessus, histoire de me dire bonjour et de me mordre un peu, mais il n'y avait rien de personnel, juste la routine. J'ai déballé mes affaires sous une pluie battante, "encore une putain de journée au paradis!" Une fois installé, j'ai éprouvé le besoin de me nettoyer le corps des émotions et de la transpiration, mais au retour du local des douches, distant d'une bonne centaine de mètres (j'aime bien m’installer à l'écart), j'ai trouvé mon abri fragile éventré, mes possessions étalées alentour, dans un désordre ineffable et bien sûr, les coupables, ces pourritures de macaques avec des crêtes de punk et des regards malfaisants, même qu'ils me regardaient de travers parce-que je les avais dérangés dans leur pillage. Ils avaient mordillé mon tube de colle forte et dépiauté les cachets de Paracétamol, mais n'avaient pas eu le temps de s’intéresser à la nourriture, coup de chance, si je peux dire. Bref, j'étais revenu, pour couronner le tout, il s'est remis à pleuvoir, de lourdes averses sous un ciel qui ressemblait au crépuscule, tout gris, pas amical pour un rond "Pfft!" je me suis dit, "m'en fous! chuis loin, pour quelque semaines, j'habite ici..." et comme je suis incapable de vivre sur le long terme, je n'ai pensé qu'au lendemain et je me suis attelé à la réparation de ma tente...

Commentaires

Articles les plus consultés