L'invité surprise (15)

Alors on à été implanté, je n'en ai rien dit mais je suis tout de même certain que ça ne sert pas qu'à communiquer, vu que ces braves gens ne semblent pas connaître les objets à usage unique. Mais bon, l'appareil s'est posé en plein milieu de la forêt, dans un clairière entourée de grands arbres et d'une luxuriance verte qui m'a paru celle d'une forêt pluviale. Nous sommes sortis à l'extérieur sans emprunter de porte, je fais même plus gaffe à ce genre de détail. Et j'ai été tout de suite saisi par la chaleur humide ambiante, comme si je me trouvais devant une grande bouche qui me soufflait au visage son haleine. Un sacré contraste avec le monde que je venais de quitter. Je me retournai dans l'espoir d'apercevoir le véhicule qui nous avait emmenés, mais je fus déçu, je ne vis rien, comme si nous étions arrivés de nulle part. J'entendais crier des singes et plusieurs fois résonna sous la feuillée le chant discordant de quelques oiseaux, sûrement des perroquets, mais j'avais beau lever les yeux, ils restaient invisibles. Ce fut Zeb qui nous servit de guide, le vieux ne nous suivit pas. Sans nul doute, cette jungle était située dans une zone tropicale, peut-être l'Amérique du sud, et je me demandais bien ce qu'on foutait ici.                                                                                                     Le temps de marcher quelque mètres et de pénétrer dans l'ombre de la végétation et j'étais déjà en sueur, la transpiration se mit à me ruisseler dans le dos, puis sur le visage, Mady s'éventait avec une grande feuille, Alex avait tombé la veste et ouvert sa chemise. Nous marchions à travers une verdure dense, luisante et humide, sur un tapis de feuilles de toutes couleurs et de toutes formes, du noir d’ébène au rouge vif en passant par le jaune et le vert émeraude. Nous suivions un vague sentier, le sol était devenu spongieux, gluant, et il fallait parfois contourner des mares de boue rouge, ou des animaux, sûrement, avaient du se vautrer, avec le ravissement que vous pouvez imaginer. D'ailleurs plusieurs fois, nous avons provoqué la galopade bruyante d'une bestiole de bonne taille, invisible derrière le rideau de feuillages. Des singes hurlèrent à notre approche et parfois poussèrent des cris menaçants, des grognements rauques. Ensuite, pendant un long moment nous n'entendîmes plus que les chants d'oiseaux, la fuite furtive d'un serpent. Maintenant, attirés sans doute par la transpiration, les insectes nous harcelaient, des minuscules bestioles volantes venaient se fourrer en bourdonnant dans nos oreilles, nos yeux ou nos narines, mais nom de dieu, me dis-je, ou-est-ce qu'ils nous embarquent?, si ils nous oublient là, on est morts en quelque jours, il aurait peut-être mieux valu qu'ils nous laissent aux Rôdeurs.
Zeb n'avait l'air nullement incommodé, il marchait comme si il avait été dans un jardin public, tant mieux pour lui, mais moi je me demandais bien ou on allait dormir ce soir et est-ce que j'avais bien éteint le gaz en partant de chez moi? Et j'avais trouvé réponse à une question que je ne me posais pas: Les extraterrestres transpirent-ils?, et bien non!!
Et puis, finalement, à un moment, il s'arrêta, il nous demanda d'attendre et nous restâmes plantés dans la gadoue assaillis par des nuées de moucherons et macérant dans notre jus. La chaleur ne me gêne pas trop, en fait, moi c'est le froid qui me fait peur, mais j'aurais bien aimé savoir ce que nous foutions dans ce merdier, vert et magnifique, mais merdier tout de même. Mady et son copain avaient l'air plutôt confiants, ils s'essuyaient mutuellement le visage et se débarrassaient des débris végétaux et des fils d'araignées déposés sur eux durant notre progression  à travers la jungle, ils souriaient et se parlaient à voix basse, je crois qu'ils commençaient à trouver cette aventure amusante, j'étais heureux qu'ils soient vivants, tout en ressentant un peu de culpabilité pour les avoir fourrés dans ces inextricables embrouilles qui nous avaient menés au-delà de ce que l'on peut raisonnablement appeler: des vies normales.
zeb fit passer un bidon de métal plein d'eau fraîche, qui fut le bienvenu et à peine avais-je bu une gorgée, que je vis soudain devant nous, des gens en train de nous regarder. Ils étaient tous à poil, il y avait plusieurs hommes, de tous âges et derrière eux, des femmes et des enfants, ils avaient des visages ronds avec des yeux un peu bridés et des cheveux très noirs, taillés au ras des oreilles, des dessins géométriques peints sur les joues et le front avec un pigment foncé, certains avaient de fines tiges passées à travers la cloison nasale ou aux commissures de la bouche, parfois dans la lèvre. la plupart portaient des colliers de graines et des plumes de couleur passées dans les lobes d'oreilles, les hommes tenaient à la main de grands arcs et de longues flèches et s'appuyaient dessus comme des cannes en nous regardant avec attention, ils souriaient.
Ça alors! pensai-je, des indiens! alors c'est eux nos hôtes! la vache, je crois qu'on pourra pas avoir des frites ce soir!
Zeb s'avança vers eux et ils l'entourèrent avec des cris de joie, mais je remarquai que les femmes et les enfants restaient à distance avec respect: Bonjour, ami des étoiles! dit un grand gaillard avec une coupe au bol impeccable, juste vêtu de ce qui avait l'air d'être un string local. Bonjour Maupiti! fit cérémonieusement notre extraterrestre ambassadeur, il serra les mains que lui tendaient les hommes et se tournant vers nous il nous désigna: voici des amis, qui ont besoin de votre protection, dit il, leur accorderez-vous? Le gars qu'il avait appelé Maupiti, écarta les bras en signe de bienvenue, arborant un sourire qui découvrit ses dents blanches et fendit son visage cuivré: Ils seront ici dans leur famille, affirma t'il, notre tribu prendra soin d'eux. Les hommes nous entourèrent pour nous serrer les mains, souriant et hochant la tête, comme si on était des cousins qu'ils n'avaient pas vus depuis longtemps, je me sentais à la fois ému et impressionné. Le groupe des femmes et des enfants, s'étaient rapprochés pour mieux voir, ils avaient l'air très excités d'avoir des invités, et papotaient entre eux, avec animation, les femmes riaient en mettant leur main devant leur bouche, certaines portaient des petits en bas âge ou des bébés sur leur hanche. Qui leur veut du mal? demanda encore Maupiti, et une expression farouche apparut sur son visage peint, et Zeb lui raconta une partie de l'histoire et de la menace des Rôdeurs et ce fut seulement à ce moment que je m'aperçus que je comprenais tout ce qui se disait malgré que ce ne soit pas de l'Anglais et encore moins du français. Si ils viennent ici affirma Maupiti, l'air farouche en brandissant son arc, les fourmis mangeront leurs yeux! Je présumai que la menace était sérieuse. Normalement, dit Zeb, ils ne pourront pas les trouver ici, nous sommes très loin de chez eux... Oui, ça c'est vrai qu'on était loin, tout au sud du trou du cul du monde, je me rapprochai de Zeb, histoire de me renseigner sur les circonstances de sa rencontre avec ce qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à des indiens du fin fond d'une forêt qui devait forcément être l'Amazonie. Il me répondit, de bonne grâce, tandis que nous reprenions notre marche, encadrés par nos nouveaux gardes du corps. C'est un hasard, expliqua-t'il, j'étais en mission, je me suis arrêté pour me dégourdir les jambes et Maupiti était là, il m'a vu et à tout de suite compris que je venais d'une autre planète. Ouais, maugréai-je, ça c'est facile à voir! il me jeta un regard agacé et reprit: Il s'est avancé vers moi, sur le coup, j'ai cru qu'il allait me balancer une flèche, j'ai eu un moment d'angoisse...Ben oui, je l'ai coupé, c'est primitif comme arme, mais ça doit faire mal! Il éluda ma réflexion comme si il n'avait rien entendu, et continua: il s'est donc avancé et il m'a salué, il avait l'air enthousiaste et il à voulu à toute force m'emmener dans son village. Là, quand ils m'ont vu et qu'ils ont compris qui j'étais, ils m'ont fait une fête à tout casser, dans ces coins paumés, y'a toujours une légende de visiteur venu de l'espace qui traîne dans leurs traditions orales et je suis devenu leur pote. Et le vieux, demandais-je, il était au courant? ben, non, avoua-t'il avec un sourire en coin et un geste des deux mains, paumes en l'air. Je m'en doutais, fis-je. Mais j'ai du en parler, continua Zeb, quand on à eu besoin de trouver un endroit super-paumé pour vous mettre hors de portée des Rôdeurs, il m'a fait les gros yeux, mais en même temps ça ,le dépannait, alors... Mes deux amis, marchaient derrière nous et écoutaient notre conversation, Alex hasarda une question qui devait le titiller depuis un bon moment: Et on va rester ici longtemps? Zeb le dévisagea, puis me regarda mais il ne dit rien, nous arrivions au village, au milieu d'une zone déboisée, faite de terre rouge et d'herbe rase. En fait, le village était constitué d'une seule grande case sur pilotis, construite comme un cercle fermé autour d'une cour centrale, des troncs taillés en escalier permettant d'accéder au plancher, une construction étonnante et très simple à la fois. Dans la cohue des jeunes et des vieux tout nus, qui riaient et s'exclamaient, tendaient la main pour nous toucher, j'avais l'impression d'être dans un nid de paparazzi. Ils nous invitèrent à les rejoindre sur le plancher couvert de nattes tressées, il y avait des gens qui glandaient, vautrés dans des hamacs. une femme qui allaitait son enfant me sourit, le léger vent qui passait dans cet espace ouvert, rafraîchit la pellicule de sueur sur mon visage, je commençais à me dire que, finalement, j'allais me plaire ici, si les Rôdeurs ne rappliquaient pas pour gâcher la fête. On nous fit asseoir, en tailleur, sur le plancher de la grande case ronde et on apporta une calebasse pleine d'un liquide mousseux que nous dûmes ingurgiter. C'était frais, légèrement piquant, sans doute à cause de la fermentation et pas vraiment sucré mais après deux ou trois gorgées, faut dire que ça se laissait boire. Mady et son "boy-friend" commençaient à être légèrement pétés et riaient comme des gosses, je me sentais joyeux et détendu. Je vis que notre ami Zeb avait une banane en travers de la figure et que tout compte fait, tout le monde se marrait comme une réunion de baleines. Un très vieil homme, tout ridé et chenu, qui se fendait la poire en montrant ses dernières dents, vint s'asseoir à côté de moi. Bonjour, homme blanc, dit-il, je suis Naïmbo, et il saisit mes mains dans ses vieilles mains noueuses. Bonjour, dis-je, en inclinant le torse en signe de respect, et le vieux me secouait les mains en riant et disait; tu as une bonne tête pour un blanc, oui, tu as une bonne tête!

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