Grosse fatigue

Hier matin, j'étais fatigué, mais fatigué... vous ne pouvez pas imaginer. De vilaines poussières pas très nettes dans mon nez et mes poumons, respirées pendant que je travaillais avec le sérieux habituel  sur un chantier sans grand intérêt. Et voilà que j'avais eu une crise allergique: je suis un être sensible, fragile, un phalène délicat, avec une santé diaphane de poète maudit et la nuit à été horrible, un long cauchemar éveillé, j'ai toussé, éternué, et de vrais éternuement avec des postillons et tout, mon nez coulait sans arrêt, à croire que j'avais la tête pleine d'eau (elle l'est peut-être en fait) et une barre douloureuse dans les tempes est venue couronner ce tableau pitoyable. Une nuit blanche, une vraie, de celles qui forgent les légendes, passée à mouiller des tonnes de mouchoirs en papier qui ont fini par joncher le sol sur plusieurs épaisseurs autour de mon grabat de souffrances. Impossible de fermer les yeux, ou plutôt si, j'ai fermé les yeux, appelant le sommeil de la même manière que j'aurais crié "à boire, par pitié!" si j'avais été en train de mourir de soif dans le désert, mais sans parvenir à la narcose bienfaisante, cette bienheureuse inconscience, cette petite mort qui nous permet de nous sentir vivants. Toute l'horrible journée, je me suis traîné comme une limace neurasthénique, vieux, mou, le cerveau remplacé par du fromage blanc à la date limite dépassée, l'image même de la misère humaine dans sa forme la plus pathétique, j'aspirais seulement à me coucher sur le flanc et à ne plus bouger, tel une bête blessée. A un moment, il y à eu un léger mieux, un sursaut de la mécanique, mais après le repas de midi, ce regain d'énergie est retombé avec la mollesse d'un soufflé raté. Je n'étais plus qu'une carcasse en état de décomposition avancée, je commençais à attirer les mouches, ces vautours miniature de nos contrées, la vie me paraissait morne et sans joie, l'avenir bouché par un tas de fumier à l'aspect menaçant (?), je me suis reniflé sous les bras: effectivement je n'en avais plus pour longtemps. Adieu, la vie, je me suis dit, je t'ouvre les bras, Ô mort bienfaisante, toi qui panse pour toujours toutes les blessures, prends-moi contre ton sein glacé et qu'on en finisse!..
 Finalement, c'est la journée qui à fini, avec une lenteur désespérante. Je me suis laissé tomber sur le siège de ma voiture, qui ne s'est rendu compte de rien, et j'ai regagné ma crypte, pour enfin mettre un terme fatal à cette misérable agonie. A 18h 33 minutes et 26 secondes mon lit m'a accueilli comme le cercueil de Dracula, à moitié plein de terre Transylvanienne, comme le bac en inox d'une salle d'autopsie, mes paupières lourdes sont retombées enfin avec un bruit mat, et j'ai coulé sans rémission dans une cuve de goudron tiède, plus noir que la nuit: adieu, monde cruel... Et hop! pas loin de douze heures plus tard, tel un diable de sa boîte ou un huissier sur le pas de votre porte, j'ai jailli, fringant, tout neuf, ou presque, parce que bon, quand même, j'ai des heures de vol, mais là, mon esprit avait la clarté d'une source d'eau bénite, mes membres répondaient avec une louable célérité aux impulsions d'un cerveau régénéré, à nouveau constitué d'un précieux assemblage de cellules nerveuses, de synapses et de plein de trucs qui sont vraiment utiles, on ne s'en rends pas toujours compte. Bref, j'avais le brillant et le poli d'une pièce neuve de 2 euros. Pour ne pas complexer ceux qui me verraient ainsi, nimbé de lumière, radieux, presque beau, c'est dire, je ne me suis pas rasé, cela me semblait superflu: pourquoi ajouter à tant de charisme? ç'aurait été mesquin, et je suis parti au boulot, muni de plusieurs tonnes d'espoir et d'énergie en acier chromé de première qualité, bardé d'enthousiasme à la manière d'un enfant en bas âge découvrant qu'il peut marcher. Il faisait encore nuit, mais pour un peu, tellement je rayonnais, je n'aurais pas allumé les phares, quand je pense qu'il y en à qui se fourrent des trucs dans le nez, qui se gavent de cachets euphorisants ou de machins chimiques, alors qu'il suffit d'un peu de bon sommeil...

Commentaires

Articles les plus consultés