Cascade et braconniers



"Jouis du jour présent, sans te fier le moins du monde au lendemain."
Horace (poète latin-65/8 av JC)

Je suis revenu le lendemain même et puis le jour d'après et encore, butant sur le marais, puis sur une forêt d'arbustes épineux aux branches entremêlées formant des barrières très difficiles à franchir. Deng, un ranger de Molae à qui j'ai raconté mes tentatives, m'a prêté son GPS (fourni par la direction des Parcs Nationaux) qui possède en mémoire une carte sommaire de l'île. A partir de ce moment, il m'est bien plus facile de contrôler mon avance et de revenir sur mes traces, je prends moins de temps à marquer ma piste et je finis par tomber sur un ancien sentier de randonnée, visiblement abandonné depuis longtemps, mais les restes de Fléchages qui subsistent ne laissent pas de doute. Par moments, c'est presque un chemin et j'ai le sentiment qu'il est emprunté par d'autres que moi. L'aspect des branches et des lianes taillées par un outil tranchant me laissent à penser que le sentier est utilisé sans doute à la saison des pluies, les rangers que j'ai interrogés ne semblent pas savoir par qui mais j'en doute un peu. En suivant la piste, qui se perdait au premier abord dans la boue et les épines du marais, j'ai fini par trouver un ruisseau, j'imagine qu'il s'agit de la Lo Po "river" et quelque part sur son cours se trouve une cascade qui était autrefois le but du sentier.
Il me faudra une journée de plus pour me reposer et revenir remonter le cours du ruisseau, entre-temps, je bute sur des campements, vieux de plus d'une année pour un, seulement de quelque mois pour d'autres.
C'est vrai qu'il n'y à pas beaucoup d'eau, mais je l'aime bien quand même..
Des arbres de petite taille ont été coupés et installés de manière à supporter sans doute une bâche et des sortes de lits de rondins sur de courts pilotis subsistent toujours. Ce n'est pas la première fois que durant mes périples dans la forêt, surtout dans la région située aux alentours d'Ao Son et de Lu Du, je rencontre ce genre de campement. La constante qui me révulse et m'énerve c'est que les auteurs, quelque soient leurs intentions; braconnage, sans doute- abandonnent systématiquement leurs ordures: boîtes de conserve, sacs plastiques, emballages, piles électriques.
En remontant le cours du ruisseau, vers la (petite) cascade que j'espère trouver, je croise "Ahetulla nasuta" le serpent-liane, un joli reptile long et fin, souvent vert vif, parfois brun clair et qui se fonds dans la végétation. Et puis finalement la voilà, ma petite cascade: quelque filets d'eau qui dégringolent sur des roches noircies, dominées par des grands arbres. Les rangers m'avaient dit "il n'y à pas d'eau, c'est pour ça que le sentier n'est plus utilisé.." Et pourtant si, il y à de l'eau et je gage que durant la saison des pluies elle doit donner une cascade du plus bel effet.
Je suis content de ma modeste trouvaille et en repassant sur le site de campement des braconniers, je me dis que ça serait sympa d'y faire un bivouac avec mon pote Stefano: c'est au bord de l'eau, plat et un peu en hauteur, sans gros arbres trop près, donc sans risque de se prendre une grosse branche sur la tête, pendant la nuit.
Au retour, je m'arrête boire un truc frais à Ao son et aussi pour fanfaronner un peu au sujet de ma trouvaille. Tamrit, le mari de Sopa qui tient le restau, paraît surpris, autant par le fait qu'il y à de l'eau à la cascade, que des campements abandonnés... Stefano avait d'autres plans de prévus: retourner à Talo Udang par la piste, et rester quelque jours là-bas, pas de problème pour moi, je suis partant, d'autant que nous avons déjà déblayé la piste l'année dernière, malgré la repousse, le chemin sera plus facile à reconnaître. Je reprends la route, les yeux pleins d'images, fatigué mais le cœur content, l'esprit en repos...
Campement de braconniers? 
Le serpent-liane

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