J'ai peur...

J'ai peur des rues des quais du sang.
 Des croix de l'eau du feu des becs  
D'un printemps fragile et cassant 
Comme les pattes d'un insecte 
 J'ai peur de vous de moi j'ai peur 
Des yeux terribles des enfants 
Du ciel des fleurs du jour de l'heure 
D'aimer de vieillir et du vent 
 J'ai peur de l'aile des oiseaux 
Du noir des silences et des cris 
J'ai peur des chiens j'ai peur des mots 
Et de l'ongle qui les écrit 
J'ai peur des notes qui se chantent 
J'ai peur des sourires qui se pleurent 
Du loup qui hurle dans mon ventre 
Quand on parle de lui j'ai peur 
 J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur 
J'ai peur J'ai peur du cœur des pleurs de tout 
La trouille des fois la pétoche 
Des dents qui claquent et des genoux 
Qui tremblent dans le fond des poches 
 J'ai peur de deux et deux font quatre 
De n'importe quand n'importe où 
De la maladie délicate 
Qui plante ses crocs sur tes joues 
J'ai peur du souvenir des voix 
Tremblant dans les magnétophones 
J'ai peur de l'ombre qui convoie 
Des poignées de feu vers l'automne 
 J'ai peur des généraux du froid 
Qui foudroient l'épi sur les champs 
Et de l'orchestre du Norrois 
Sur la barque des pauvre gens 
 J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur 
J'ai peur J'ai peur de tout seul et d'ensemble 
Et de l'archet du violoncelle 
J'ai peur de là-haut dans tes jambes 
Et d'une étoile qui ruisselle 
J'ai peur de l'âge qui dépèce 
De la pointe de son canif 
Le manteau bleu de la jeunesse 
La chair et les baisers à vif 
J'ai peur d'une pipe qui fume 
J'ai peur de ta peur dans ma main 
L'oiseau-lyre et le poisson-lune 
Éclairent pierres du chemin 
J'ai peur de l'acier qui hérisse 
Le mur des lendemains qui chantent 
Du ventre lisse où je me hisse 
Et du drap glacé où je rentre 
J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur 
J'ai peur J'ai peur de pousser la barrière 
De la maison des églantines 
Où le souvenir de ma mère 
Berce sans cesse un berceau vide 
 J'ai peur du silence des feuilles 
Qui prophétise le terreau 
La nuit ouverte comme un œil 
Retourné au fond du cerveau 
J'ai peur de l'odeur des marais 
Palpitante dans l'ombre douce 
J'ai peur de l'aube qui paraît 
Et de mille autres qui la poussent 
J'ai peur de tout ce que je serre 
Inutilement dans mes bras 
Face à l'horloge nécessaire 
Du temps qui me les reprendra 
J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur
 J'ai peur J'ai peur

Allain Leprest

A l’origine, c'est une chanson, pas super gaie au premier abord c'est vrai, mais elle parle de nous, humains et de ce qui nous façonne, de ce qui fait de nous des animaux différents. Sans nos peurs, (nos désirs?) nous ne saurions saisir la beauté et la nécessité d'en jouir avant de n'être plus là... 

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