Ailleurs...



Donne-moi, pour éventrer le nuage gris, un poignard d'assassin à lame courbe étincelante. Donne-moi pour éventrer la froide vague et son épaule mousseuse, un fin voilier à la coque de nacre blanche. Las d’écouter bruire des pensées futiles et sans but sous la voûte de mon crâne, las d'écarter d'une main rageuse, ces insectes importuns aux visages d'hommes. Je prends, la peur au ventre, la direction d'un ailleurs qui n'a de nom que l'absence.
Je ne verrais plus au petit matin glacé, dans ce miroir mort crispé sur le mur, ma paupière lourde et mon visage flétri.
Je serai sensible et vif, vivant enfin, d'une autre naissance. Sous mon talon: le Monde, qui gronde et mugit. Dans mon œil: le ciel ouvert, une course d'oiseaux en feu au-dessus de la forêt bleue, le décroissement de la lumière, la chute du géant flamboyant qui s'engloutit sous les dernières vagues au bout de l'univers...
Mais quoi? ou est ta chaleur? celle que je pouvais sentir sans même te toucher. C'est la seule chose qui me manquera encore et puis c'est certain, je n'aurai plus de mémoire. Seul toujours, accoudé à la balustrade de bois délavé qui domine la mer je guetterai ma liberté avec une patience d'oiseleur.
Sous le couvert d'une feinte indifférence, je rêverai que tu n'es plus là, et puis ce sera seulement une écorchure du passé qui cicatrise sans trace.
Le souvenir même de n'avoir jamais rien possédé s'effacera comme de l'encre sous la pluie. Seuls mes yeux resteront ouverts, lucarnes sur l'espace immense, sur la lumière du dehors. Ma poitrine se gonflera d'un air tout neuf ma tête se remplira de la parole du vent et du cri des bêtes, je n'aurai plus besoin de rien...

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