La piste oubliée...(4)




D'un bond je franchis le ruisseau, dans le cercle d'eau transparente éclairé par ma lampe, je vois s'enfuir une vipère brune qui nage en ondulant son corps souple. Devant, une lumière s'allume sur ce qui paraît être une petite éminence couverte d'herbe, une voix d'homme retentit, qui sûrement ordonne aux chiens de se calmer, j'aime autant ça. En nous approchant, nous voyons une maison aux murs blancs et un type à cheveux gris vêtu d'un sarong, en ombre chinoise sur le pas de la porte, il à l'air d'être à la fois étonné et amusé de nous voir (ils sont fous ces farangs!) nous le saluons et il nous fait entrer dans ce qui est la "station de Rangers de Talo Udang" l'ameublement est spartiate, une petite table en bois et deux chaises, sur une petite étagère dans un coin, une bouilloire électrique et des sachets de café, au fond un réchaud à gaz et des gamelles en aluminium.
 Pet, c'est son petit nom, nous dévisage en souriant, il est le Ranger en poste ici. Il nous offre de l'eau, nous nous débarrassons de nos sacs, soudain devenus si pesants, de nos chaussures et de nos T-shirt réduits à l'état de serpillères détrempées et nous-nous écroulons sur les chaises offertes. Stefano fait la causette en Thaï. Nous buvons verres sur verres, l'eau bienfaisante coule en nous et nous réhydrate, je m'aperçois que mon bras, douloureux d'avoir manié la machette durant des heures, peine à soulever un simple verre d'eau!  et mon ami l'Italien se sent aussi brisé que moi..

Une petite femme ronde et souriante qui parle fort et rit beaucoup se joint à nous, c'est Mina, l'épouse de Pet, elle parle un peu d'Anglais et elle aussi est passablement étonnée de nous voir débarquer par la vieille piste, à cette heure-là, en plus. Je n'arrive pas non plus à croire que  j'ai accepté de laisser mon hamac, et que j'ai du marcher dans le noir, sans même  voir ou je mettais les pieds.                                  
On est tout éraflés, bras et visage, Stefano à des enflures sur le front et la joue suite à son accident en forêt, sa rencontre fortuite avec un quelconque liquide toxique. Elephant man, je l'appelle, ça le fait moyennement rire, mais Pet le rassure, c'est certainement la sève empoisonnée d'une liane qui à causé la brûlure, mais grâce à son traitement de choc, d'ici quelque jours il n'y paraîtra plus.
C'est à ce moment que nous réalisons n'avoir rien mangé depuis ce matin, complètement immergés comme nous l'étions dans notre course vers l'Eldorado et j'ai soudain compris le sens de l'expression: "à marche forcée".


De nos sacs à dos, nous sortons les barquettes contenant les copieuses portions de riz sauté au poulet et aux légumes que nous avions achetées au restaurant de Molae le matin même et nous les engloutissons sans autre forme de procès. Pet nous prépare un endroit ou dormir, une vraie chambre, avec deux petits lits qui ont l'air d'être pour des enfants, l'ensemble serait plutôt rustique pour d'autres que nous mais c'est un véritable palace. Un café, une douche, la douche de base Asiatique: au bassin et à la gamelle, et le monde nous paraît magnifique, en fait, il l'est.
Il est presque huit heures du soir, en tout, nous avons marché dix heures! je n'en reviens pas, le plus dingue c'est la jungle la nuit, un truc plutôt dangereux, à cause de la mauvaise visibilité et du fait que vers la fin, nous avons accéléré l'allure en sentant le bout de la piste. J'ai vérifié dans un miroir, pas de traces sur le côté du visage, là ou j'avais cru heurter quelque chose d'épineux. Par contre j'ai une grosse griffure sur le front dont je n'ai aucun souvenir. et des plaies sur les mains, bénignes, des estafilades peu profondes, je trouve qu'on s'en est plutôt bien sortis.
D'après notre hôte, il y à vingt huit ponts qui jalonnent la piste! j'étais loin du compte, vingt huit foutu ponts! ça me laisse rêveur et Stefano aussi. Pet et son épouse sont partis se recoucher, il nous à demandé de laisser la lumière allumée dans la pièce principale et la porte d'entrée ouverte. Je trouve tout de même ça un peu bizarre, vu que tout était éteint et clos quand nous sommes arrivés mais bon, sans doute une manière de signaler à un navigateur nocturne, qu'il à des visiteurs inattendus.
Stefano s'est déjà assoupi, moi, j'ai du mal à m'endormir, malgré ma fatigue, des crampes me déchirent les muscles des cuisses alors j'évite de bouger, j'écoute les bruits de la forêt tout autour de nous, par les fenêtres grande ouvertes sur la nuit, l'univers s'étend au-dehors, la beauté du monde vivant me prends et m'étouffe, des larmes de joie me viennent, mais je m'endors plutôt.

Au matin, je suis le dernier à me lever, tout chiffonné, mais content d'être là et de toute manière nous ne repartirons que demain, en nous voyant si fatigués Pet nous à proposé de rester nous reposer une journée de plus. Je vois par les fenêtres, la lumière rasante du soleil eclairer la baie de Talo Udang,  à marée basse la mer se retire sur plus de six cent mètres, là-bas, les mangroves se colorent de rose. Je peux enfin voir les molosses, couches sur l'herbe devant la maison, en fait ce sont de petits roquet d'aucune race définie et ils sont sept ou huit, ce qui, dans le noir total, quand ils aboient tous ensembles produit un effet assez inquiétant. Selon Pet, ils servent régulièrement de casse-croûte à un gros python qui rôde dans le coin, il en à déjà perdu sept, en fait il est obligé de renouveler régulièrement sa "meute", mais pour éviter les problèmes avec les singes, on n'a pas trouvé mieux. C'est vrai qu'il à un papayer et deux beaux jaquiers avec de magnifiques fruits en train de mûrir, un jardin potager, un vrai jardin tropical ou tout pousse sans que l'on s'en préoccupe et il ne ferme jamais ses fenêtres.
La nature à trouvé ici son équilibre, les singes ne peuvent s'approcher de la maison, pour satisfaire leur gourmandise, mais le python se fait des amuse-gueule avec les chiens. D'après le Ranger, qui l'a vu une fois, le serpent ferait une douzaine de mètres, moi je pense qu'il est un peu porté à l'exagération et que huit mètres serait déjà une belle taille. Devant la maison, à côté des chiens qui grognent mais ne s'approchent pas, je regarde la haute muraille de végétation et je me demande quels monstres elle abrite.
Mina est partie, escortée par la meute, pour chercher des coquillages sur la large surface de plage découverte par la marée. Avec Stefano, je sillonne la longue plage de sable humide et de vase, cela nous paraît tellement irréel d'être ici, réellement au bord du monde, au loin on voit la maison, adossée à la jungle et cela me fait penser à ces cabanes sur pilotis, que l'on voit au bord des igarapés, des bras morts de l'Amazone.
A suivre...





Mina part aux coquillages..


Stefano, Pet, et une partie de la redoutable meute...
   




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