La rivière du paradis



Après un épisode fortement venteux et pluvieux, le beau temps est revenu et je me suis senti pousser des ailes aux pieds J'avais envie depuis longtemps de pousser plus loin vers le Sud, au-delà de la cascade de Lo Po qui commençait à être trop fréquentée. Toujours en solitaire, je me suis enfonce dans la zone fangeuse des marécages ou j'ai commencé à pourrir mes chaussures de randonnée toutes neuves. Le sol boueux et détrempé m'aspirait, autour de moi ce n'était que palmiers épineux, insectes et serpents omniprésents, bref, une promenade de santé, moite et stressante.
 
 Je me suis dit que finalement, il fallait ici, un matériel basique et solide tant en chaussures que vêtements.. je le savais déjà mais ce foutu besoin de vouloir toujours faire mieux! Je me suis un peu perdu et par la même occasion j'ai perdu mon temps. Le long d'une pente très raide encombrée de grands troncs abattus, j'ai du contourner le marais devenu impénétrable, trempé de sueur et maculé de boue c'est ainsi en dépit de tout que je me sens bien, solitaire un peu perdu mais pas vraiment en danger, à l'écart du monde mais dans ses entrailles, au cœur de sa vérité...
 
Je me suis entêté et j'ai entendu, à travers le rideau de verdure, le bruit de l'eau, j'ai marché encore et là-bas, dans une trouée, une rivière à coupé mes pas. D'après ma boussole et mon GPS, ce ne devait pas être la rivière que je cherchais mais celle qui la précédait. La lumière déclinait déjà, il était 4h de l'après-midi et j'ai fait une pause pour manger un morceau et remplir ma gourde à la rivière, à présent je bois l'eau sans même la désinfecter et je n'ai jamais eu de problèmes. Elle est si claire et transparente que je ne l'imagine même pas contenir le moindre germe dangereux et si la confiance était bactéricide? Je descends en aval sans rien trouver d’intéressant, vers l'amont non plus sauf que c'est plus accidenté et qu'au bout d'un moment je dois passer par la forêt. Ensuite, le lacis de branches épineuses me freine dans mon élan, en vérité je fatigue, il faut que je rentre.
Sur le chemin du retour, alors que la lumière s'affaiblit, je forme des vœux pour que le temps soit clément demain et j'emporterai au moins une lampe.
Le lendemain, hélas la pluie revient accompagnée d'un vent violent et j'avance 50 baths pour du Lao khao, de l'alcool de riz. Pay, un des rangers d'Ao son fête son anniversaire et je confirme que cette boisson fait rigoler... Le jour d'après je ne rigole plus, ne suis qu'une loque qui tente tout de même une sortie mais se fait rattraper par les lourdes averses se déversant furieusement d'un ciel plombé. Pourtant le surlendemain, Ô joie, voici l'astre tant aimé qui revient me chauffer la truffe et me voilà reparti. Je connais ma route, je n'ai qu'à suivre mes propres traces, le trajet est aussi difficile que la première fois mais plus rapide et j'évite(plus ou moins) de me planter dans la boue. Quand je rejoins la rivière, je place un cairn de cailloux plats pour me repérer et je traverse en sautant de rocher en rocher, exercice un peu périlleux mais sans encombres. Ensuite je sais que je dois marcher en longeant la base de la colline, ce que j"accomplis sans trop de difficultés, la jungle ici, étant moins dense. Je trouve des traces d'un ancien lieu de vie: des gamelles rouillées, des planches rongées par les termites, des bouteilles anonymes, au verre bleui par les années. Un gros serpent noir file dans les broussailles, mon cœur saute dans ma poitrine: j'aurais pu ne pas le voir tellement il est silencieux cela me rappelle que je ne suis pas en Europe dans mon univers policé et aseptisé, je suis loin de chez moi et même suffisamment loin de mes semblables pour me sentir libre et étonnamment léger...
Derrière le rideau d'arbres il me semble entrevoir un éclaircie, pas de bruit d'eau non, mais là il y à une rivière, les rives et le fond ne sont pas très caillouteux mais plutôt sableux, ce qui explique le flot silencieux.

 Elle est large et l'eau est claire, si claire que suant et gluant comme je le suis, il me vient une irrésistible attirance pour une baignade impromptue. Je me trouve une rive basse et me dépêche de me déshabiller pour un bain primal pour me rhabiller de fraicheur et de cristal. Meilleur que ça à cet instant cela n'existe pas, je traîne dans l'eau jusqu'au cou, assis sur le fond de sable, les poissons me visitent, un rayon de soleil me salue, l'instant est délicieux, le prix pour ma peine vaut tous les efforts. J'ai fait sécher mes vêtements sur des branches et je repars tout sec et regonflé à bloc. En retraversant le premier cours d'eau avec moins d'aisance, je glisse sur un rocher et je fais un gros plouf sans me blesser heureusement. Je suis seulement trempé des pieds à la tête, la nature me rappelle que c'est elle qui commande....
Ce qui'il faut savoir, c'est que cette rivière est celle qui se jette au bout de la plage d'Ao son et qu'a la marée haute, la mer remonte son cours faisant monter notablement le niveau des eaux. Je dois donc choisir le bon timing afin de profiter de l'eau claire.
Le jour suivant m'offre plus de soleil que je n'en espérais, j'ai montré à Stéfano les photos de "ma" rivière, qu'il à baptisée tout de suite "Paradise river". Alors je repars vers la rivière du paradis, explorer ses rives et me baigner avec un délice sensuel dans son eau claire et d'une fraîcheur paradisiaque après un étouffant et éreintant périple dans la jungle. Assis sur le fond de sable, environné de poissons dorés, je suis quelque secondes le roi du monde et son servant, mais aussi, simplement l'humain dans le temple universel sacrifiant au plus vieux rite de purification du monde...






Commentaires

Articles les plus consultés