Je suis un enfant qui rêve...


Je pars dans moins de trois semaines et je prépare déjà mon sac. Si vous voyagez un tant soit peu, vous connaissez cette impatience fébrile. Je réfléchis, je pense,et je pense trop comme si cela changeait quoi que ce soit au fait que je DOIS partir. Sinon je n'existe plus et le monde lui-même va cesser d'exister si je ne le vois plus...
Cette planète, notre planète, est d'une incroyable beauté et nous, les humains, en faisons un endroit sale et dangereux. Je ne m'exclus pas de ce constat, ce serait trop facile: prendre l'avion pollue, on le sait, pourtant cela ne nous empêche pas de monter dedans, attirés comme des mouches par l'odeur de l'ailleurs. Partons nous chercher là-bas, le paradis que nous avons perdu ici ou est-ce seulement pour tromper l'ennui? En ce qui me concerne, je ne raconterais pas de conneries, je le cherche vraiment le paradis perdu à jamais, et je fais semblant de pouvoir le trouver et je crois toujours le trouver. Le truc c'est de n'être pas blasé, d'être toujours ouvert à la découverte du monde, garder sa pureté, je dirais presque; sa virginité. Je me souviens quand j'ai écouté "Stairways to heaven" de Led zeppelin sur l'album "Led zeppelin IV" et je l'écoute de nouveau en essayant de conserver  la candeur de ce temps-là. Dans cet esprit, j'écoute aussi "Caravansérail" de Carlos Santana et je me souviens que j'ai truandé le train de banlieue pour mon lycée à Aubervilliers afin de garder la thune pour me payer ce vinyle...
Je ne le renie pas, c'est mon monde, celui d'un ado de 17 ans, bon dieu quelle magnifique naïveté... Depuis ce temps, tellement de choses se sont passées, j'ai perdu cent fois mon innocence et malgré tout je suis resté un enfant, neuf encore à l'intérieur. Ça ne m'a pas forcément facilité la vie, mais ça la rends tellement plus éclatante.
Me croirez-vous si je vous disais que je n'ai renié aucun de mes rêves? J'avais à peine dix ans et dans les ronciers derrière chez mes grand-parents, griffé et sanglant, je rêvais de jungle, de grands arbres, d'un monde neuf sur ma vieille planète. A présent encore, je repars renouveler cette alliance de mon âge de maturité avec mon enfance si proche, tellement proche!
Je ne cesse de me répéter mais l'enfance et ses rêves, sa vision poétique du monde, sont notre ultime et plus précieuse richesse, la pierre philosophale qui nous permet de transcender le temps et son écoulement sans fin, la dernière barrière contre les barbares et les âmes vides..
Je me déguise en aventurier, tenue de camouflage, godillots et machette et je joue encore dans les ronces et les broussailles à découvrir un monde déjà connu mais si peu fréquenté que j'ai l'impression d'y être le premier...En fait, si je le veux, si je le crois, je suis le seul et ce cosmos extravagant est peuplé de chimères nées de ma seule fantaisie.
Je le reconnais bien volontiers, ma manière d'être un touriste est un peu spéciale, car déjà, je ne pars pas spécialement pour visiter des endroits. Je pars surtout pour être "loin", je pars pour quitter mon univers et m'en éloigner autant que si j'allais sur une autre planète. Je pars pour rejoindre une autre réalité.
Débarquer d'un aéroport, c'est comme franchir une porte temporelle. La chaleur vous cueille au dehors, le vrai dehors, à l’extérieur des avions climatisés, de l’atmosphère irréelle qui règne sur les aéroports internationaux. Le bruit, la lumière, les taxis colorés et nous voici enfant, à la découverte du monde. Accepter notre ignorance et vouloir la conserver, c'est sauvegarder notre capacité d'apprendre, ouvrir les yeux comme on ouvre ses fenêtres sur un nouveau matin...

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