Je suis déjà parti


Dans ma tête, je suis déjà parti, mes atomes se dispersent sans cesse, j'ai du mal à les garder ensemble. Ce ne sont pas des rêves de parasols sur la plage ou de bouffes succulentes sous les tropiques. Bien sûr, je suis un "maudit Français"(comme nous appellent nos amis de la Belle Province- bonjour Helene...), donc la nourriture m'interpelle parfois et je pense à m'acheter hameçons, fil et plombs, le kit du pêcheur, en somme, pour choper quelques innocentes créatures. Je me suis crâmé les doigts en bouffant mon poisson fraîchement pêché, grillé sur des piques de bambou. Mais c'était si bon! Mais surtout, je veux me gaver de jungle, de verdure, caresser des arbres anciens dont l’écorce est semblable à de la peau de dinosaure, sentir la sève cavaler dans le bois frémissant. Me figer sur le chemin, aux aguets, écouter vivre le monde, oui, le MONDE! pas le quartier, le boulot, la télé, la maison, non, le véritable Monde, l'univers, le machin, le truc dans lequel nous vivons. La vérité ne réside pas dans les villes enfiévrées, entre béton et asphalte, dans le grouillement de nos semblables. Elle réside au cœur
de la nature, dans la relative solitude d'un monde ou vous n'êtes pas bienvenu. J'ai souvent imaginé que je pouvais mourir ici, de la seule morsure d'un serpent, de préférence(!) un King Cobra. A plusieurs heures de toute clinique capable de m'administrer un antivenin, mon destin est tracé: paralysie, asphyxie, la mort. C'est un fantasme, mais aussi une réelle possibilité, le fruit d'un hasard malheureux, j'ai peur, mais je n'ai pas peur... et je reviens toujours, après tout, ce ne sont que des vacances... La mort est comme le retour, elle n'est que la fin d'un voyage, peut-être le départ d'un autre. En fait, ce voyage-là, je le garde pour la fin, je tente de profiter au maximum du vivant et du présent. Je ne gaspille rien, chaque matin est un nouveau présent, et quand le soir arrive, je me dis: "déjà!", cette précieuse journée de ma propre vie est déjà terminée...Je veux la monnayer cher ma vie, cette vie de rien, ce temps qui nous est donné mais qui finalement coûte si cher... J'imagine mal que je vais revenir à Tagbina, trou-du-cul du monde, paumé dans un coin de cambrousse si lointain qu'il n'existe presque pas. C'est loin, si loin, des gens vivent là-bas qui se demandent si je vais revenir et j'imagine leur surprise de revoir ma tronche. Ici il commence à faire froid, avec de petites gelées au matin et Je crois sentir déjà les 32°c au-dehors de l'aéroport de Bangkok, alors qu'ici, j'ai le nez bouché et je grelotte, que je dois mettre le chauffage dans la salle de bains.
Pourtant, le départ est encore loin, je commence à préparer mon sac dans un état déjà fébrile: je vais oublier des trucs, c'est sûr! mais je m'en fous, le principal c'est de partir, qu'importent les breloques de notre vie si petite et à laquelle nous sommes si attachés. Là, je pense moustiquaire, hamac, randonnée, virtuellement je suis sur la route... Si vous ne savez pas rêver, vous ne savez pas voyager et les "vrais" voyageurs sont tous des grands rêveurs...

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