Bornéo (1)


Enfant, je battais les bois avec l'âme d'un explorateur dans la forêt vierge, un héros guetté par des fauves sanguinaires et des tribus au moins aussi sauvages. C'était une autre époque, mon imaginaire était nourri par le cinéma et les livres de papier... Ce jour-là, j'ai débarqué à Bornéo, le nom seulement, me paraissait porteur de rêve et de mystère, je tournais ce mot dans ma tête à l'infini: "Bornéo...Bornéo". Il est des lieux tellement imaginés qu'ils en deviennent imaginaires. Je voulais voir la fleur géante, la mythique Rafflésia, qui est réputée sentir la viande avariée et attirer les mouches, son agent pollinisateur.
Kuching est une ville tranquille, étonnamment tranquille pour un bled de 300 000 habitants. Partout dans la ville surgit le souvenir de John Brooke, le premier "Rajah blanc", fondateur de la dynastie qui à fondé et dirigé l'état de Sarawak, de 1841 à 1946. Dans le soir tiède, je me suis promené le long de la rivière Sungai Sarawak, le ciel est étoilé et j'en suis surpris. Normalement nous sommes en saison des pluies et je m'attendais à ce que de chaudes averses pourrissent mon séjour, pourvu que ça dure...
Au bureau des parcs nationaux, on m'informe que les Rafflésia n'ont pas encore éclos, je prends donc un bus pour le parc de Bako, qui n'est pas très loin de Kuching. Le bus me dépose au bord de la rivière Sungai Tabo ou se trouve le bureau d'enregistrement pour les visiteurs. Les formalités accomplies et le droit d'entrée payé, une pirogue à moteur remonte la rivière pour m'emmener au parc proprement dit. Il y à un panneau: "attention aux crocodiles" mais je n'en ai pas vu la queue d'un, je pense qu'ils ont tous fini en sac à main, on à juste oublié d'enlever l'avertissement.
Barbu, moi? pure médisance...
Pas de quai à Bako, on débarque sur la plage, et on marche vers des baraquements de bois un peu rongés par les termites. Ce sont des dortoirs, une rangée de lits en fer, des sanitaires, une rigueur militaire. Je suis ébloui: la jungle est partout, dans les arbres baguenaudent de gros singes ventrus au pelage orange, munis d'un long nez surréaliste, autour des baraquements, traînent des cochons sauvages au poil gris, pourvus d'un collier de barbe. Les "cochons barbus" vous jettent un regard placide d'une étonnante prunelle bleu pâle... Je sens que je vais aimer cet endroit.
Tiens, ça grimpe aux arbres ça?
Quoi, mon nez?
Ordinairement, les visiteurs ne restent pas plus de 3 jours, je vais m'incruster presque deux semaines et parcourir les sept ou huit sentiers de longueur diverses. La piste la plus longue fait 12km et il faut la journée pour en voir le bout, heureusement elle finit sur une étroite plage de sable gris et avant de partir, il suffit de quelque Ringgits pour rencarder un pêcheur qui viendra me chercher en barque à moteur. Il y à toute sorte de paysages à Bako: des mangroves, de la jungle épaisse, des savanes herbeuses avec des clairières de sable couleur de farine et des buissons de plantes carnivores grosses comme des pots à thé.

J'ai croisé la vipère verte embusquée sur les branches d'un arbuste, le scolopendre géant, gros comme un serpent et j'ai effrayé un oiseau de paradis qui, tout magnifique qu'il soit, braille comme une poule quand il à peur!De retour à Kuching pour reprendre mes esprits, j'apprends que les Rafflésia on fleuri au parc de Gunung gadin et je repars, remonté comme un reveil. Ce parc est un peu plus loin que Bako et, durant le trajet en bus, j'ai le coeur qui se serre: de grands espaces de forêt comme celle ou je viens de passer quelque jours magnifiques, sont massacrés, réduits à des no man's land de terre ocre, parsemés de souches d'arbres et de débris de bois. Quelle horreur, tout cela dans le but d'agrandir des plantations de palmier à huile. A partir de ce moment je me promets et je tiendrai ma promesse, de m'abstenir de consommer tout produit contenant de l'huile de palme...

On peut être végétal mais pas végétarien...

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