La piste oubliée...(6)



A peine levés, nous préparons déjà nos affaires, je sors deux sachets de muesli au lait auxquels il suffit de rajouter de l'eau chaude pour avoir des petits dej' energétiques, du café par-dessus et nous voilà prêts. J'ai un petit pincement au coeur de devoir quitter cet endroit et sans doute qu'il en est de même pour Stefano. Un des chiens est finalement revenu mais l'autre à sans doute fini comme amuse-gueule dans le ventre du monstre qui rôde dans la forêt. Nous finissons nos céréales, buvons un dernier café, il faut songer à y aller.
Nos sacs sur le dos, nous serrons des mains et remercions nos hôtes de leur hospitalité, finalement nous tournons les talons et descendons la petite colline vers l'endroit qui nous à vus arriver, épuisés, dans la nuit. Cette fois nous passerons à pied sec. Hier, Pet et mon ami Italien, ont installé des passerelles de fortune: un tronc en travers du ruisseau, des morceaux de bois dans la prairie, pour éviter de nous tremper les pieds avant d'avoir repris la route. Nous nous retournons une dernière fois pour agiter la main puis nous enfonçons dans les grandes herbes, au bout, le premier pont, le premier des vingt-huit.

Dernier soir à Talo Udang.
Cette fois, pas question de cavaler, une allure normale est de rigueur, Stefano à sorti son grand couteau et taille à tour de bras la végétation que nous avions négligée dans l'urgence de la course. Je vais devoir un peu tempérer son ardeur sinon nous risquons de perdre beaucoup de temps. Nous ne sommes pas tellement pressés mais il nous faut être à Talo Waow vers deux heures de l'après-midi pour avoir une chance d'y trouver un véhicule. Ce qui nous éviterait de marcher douze kilomètres de plus.
J'entends des bruits caractéristiques dans les arbres, sur notre droite, on dirait que les Langurs nous escortent, je suis sûr que ce sont eux, il n'y à que ces grands singes pour être aussi bruyants. Ils font des bonds prodigieux, d'arbre en arbre, dans un grand raffut de feuillages secoués et de branches brisées. J'ai une pensée émue pour ces étranges primates aux visages de clown. J'ai entendu plusieurs fois leur appel: un son doux qui ressemble à un sanglot d'enfant.
Sans beaucoup de peine, nous retrouvons nos traces, j'ai laissé Stefano devant, il compte les ponts, maintenant que nous en connaissons le nombre ça aide. J'en profite aussi pour prendre quelque photos, chose que je n'ai pas eu le temps de faire à l'aller, l'urgence ne le permettait pas. Je descends dans un torrent prendre de l'eau et j'effraie une énorme grenouille, plus grosse qu'un crapaud, qui plonge avec un gros plouf de nageur obèse, rien à voir avec les minuscules rainettes de chez nous.
Je suis heureux d'avoir le temps de prêter attention à la nature magnifique qui nous entoure, il fait doux, le soleil n'est pas encore très haut mais bientôt nous marcherons dans un sauna, envahi de pénombre verte.

Ça y est, nous sommes déjà trempés de transpiration, c'est inévitable, bientôt même mon caleçon et mon pantalons seront mouillés et je commencerai à exhaler une odeur un peu animale, pas le genre de parfum qui vous pose en société. Mais là ou je suis cela n'a aucune espèce d'importance, les seules narines qui sont choquées sont les miennes et finalement elles ne le sont pas tant que ça.
Au passage, je tire le portrait du bulldozer abandonné, une machine morte dans la forêt vivante, qui sera lentement digérée.
Et vingt! Stefano annonce le vingtième pont, nous faisons une courte halte pour partager des rations énergétiques et nous abreuver, c'est fou comme le retour semble toujours plus rapide, et là, en plus, il l'est pour de bon. A présent le passage est plus facile, c'est encore heureux avec toute l’énergie déployée et la transpiration versée, dire que dans une année, tout sera à refaire. La végétation, boostée par la saison des pluies réclamera rapidement ses droits et prendra à nouveau possession de la vieille route tracée par les bagnards.
Les huit derniers ponts sont franchis les uns après les autres, il est encore tôt dans le début de l'après-midi, nous sommes dans les temps, mais faudra-t'il franchir à pied les douze kilomètres restants jusqu'à Molae? Voilà, nous posons joyeusement le pied sur le sentier pavé qui traverse le site de la prison, la pensée du repos qui nous attends au bout du chemin nous stimule. Les Langurs ne se font plus entendre depuis longtemps, ils sont déjà retournés dans leur propre monde.
A Talo Waow, personne, nous nous asseyons à l'ombre du grand bâtiment, sur les bancs de ciment. Les chaussures sont enlevées les T-shirt mis à sécher. Nous attendrons jusqu'à trois heures de l'après-midi, pour nous reposer et surtout attendre un hypothétique moyen de transport.

A l'heure dite, ne voyant rien venir, nous commençons à nous préparer, il faut partir maintenant, si nous voulons être rentrés avant la nuit. Et soudain, alors que nous étions résignés à marcher de nouveau, surgit le camion bleu. Cette fois, nous devons encore attendre que les touristes aient visité le site du bagne, mais l'assurance de n'avoir pas à arpenter la route fastidieuse nous rends joyeux. Le conducteur du camion est plutôt surpris de savoir d’où nous venons et ravi de nous ramener à Molae, tandis que nous grimpons dans le camion, les touristes jettent un œil perplexe sur nos grands couteaux.
A Molae, notre ami Kaï vient à notre rencontre: "Je commençais à m’inquiéter.." dit-il, "je vous croyais perdus.. ou morts!". Toujours à dramatiser, ce bon vieux Kaï, mais c'est vrai que nous étions partis depuis trois jours, sans possibilités de donner des nouvelles, la technologie à ses limites, pas de réseau téléphonique dans la jungle et c'est bien mieux ainsi...


Le premier pont...
On the road again...





Le dernier pont, celui-ci est en bois...
Le camion providentiel!
Un peu de repos.



Coucher de soleil à Molae, fin de la route...

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