La piste oubliée...(5)



La journée passe si vite, comment est-ce possible? on vient juste d'arriver, les chiens ne grognent plus après moi, ils me jettent seulement des coups d’œil craintifs. Peut-être ont-il compris quand j'ai dit: "le premier clébard qui m'emmerde, il finit en barbecue!", on est en Asie, y'a pas que les pythons qui bouffent du chien! C'est vrai, je ne suis pas trop copain avec les clebs, à cause de deux ou trois morsures, récoltées du temps ou j'étais beaucoup moins méfiant avec la gent canine. Au bout du compte, les chiens finissent par nous accepter et je finis par accepter les chiens, c'est vrai qu'ils sont couillons, mais ce n'est pas leur faute.
 J'adore cet endroit tellement isolé, combien Pet est-il payé pour être exilé sur ce bout du monde... j'accepterais de vivre ici pour rien. Adossé à la forêt, vide de désirs, sans convictions ni dogmes, éternellement. Mais comme disait le Bouddha: "Rien n'est éternel si ce n'est le changement", rien ne reste jamais pareil.

Mina à ramené de gros coquillages qu'elle à cuit au barbecue pour certains, les autres en sauce, avec du riz et des légumes épicés, c'est vraiment délicieux et Stéfano, le bouffeur compulsif, s'empiffre sans retenue, mais ou met-il donc tout ça?. On goûte le "ya dong" ramené pour Pet, c'est pas mauvais, je n'en avais jamais bu mais si le premier petit verre est agréable, il ne donne pas envie d'un deuxième. " A consommer avec modération! " comme on dit chez nous à tout propos, dès que l'on parle d'alcool, c'est récité à la manière d'un mantra comme si il s'agissait d'une formule magique destinée à dissuader l'alcoolo moyen de s'enivrer. Encore une stupidité quotidienne qui paraît encore plus ridicule ici.
Il y à plein d'endroits, autour de la baie, que j'aimerais explorer, mais ça risquerait de prendre du temps, quel dommage! Cette jungle, tout autour de nous, luxuriante, verdoyante, étrangère, mystérieuse, les adjectifs ne manquent pas. Ce monde me fascine, le foisonnement de cette vie me paraît familier comme si nous étions parents et en réalité nous le sommes, sans doute notre espèce, dans les temps anciens, est-elle sortie d'une forêt comme celle-là: la matrice originelle.  Au milieu du bois de Casuarinas, le long de la plage, gît un crâne de chien, sûrement que le python n'a pas pu le digérer; j'aurais bien voulu l'apercevoir, le gros serpent, rien que pour le frisson ressenti en voyant une bestiole pareille se balader en liberté...

La marée montante baigne les mangroves, la baie se remplit d'eau, dans le courant de la rivière, le doux et le salé se mélangent, l'ordonnance du monde ne connaît pas d'antagonisme. Je m'étonne toujours d'être ici, comme si je faisais un rêve, quand je contemple cette beauté, je me demande comment nous avons pu faire de ce monde ce qu'il est devenu, comment nous avons changé le jardin d’Éden en enfer. J'aurais voulu être un arbre dans un endroit inaccessible de cette forêt, j'aurais vécu plus de cent ans sans rien connaître du monde des hommes.
Dans l'après-midi notre hôte à fait une espèce de soupe de courge sucrée, parfumée à la noix de coco et très bienvenue comme petit "quatre heures", on s'est régalés. Ce Rital n'arrêterait jamais de manger, sucré épicé, ou même très épicé, rien ne le rebute, mais il faut bien qu'il tire son énergie de quelque part..
Les Langurs sont venus nous observer, perchés tout en haut de branches dénudées, ils sont étranges ces singes, je sens bien que ce sont eux qui nous regardent et pas le contraire. Plutôt timides en général et étrangers à l'intrusion agressive des macaques, ils ne volent pas, ils sont seulement curieux de nous. "Tiens, si on allait voir les humains, ce soir?" Ils sont perchés sur de hautes branches, en famille, ils grignotent des trucs et quand ils sont lassés, ils s'en vont. Là ils sont passés juste pour voir les nouveaux, ceux qui sont arrivés par la forêt. Je sais que c'est idiot mais je suis sûr qu'ils savent d’où nous venons.

Lentement, insensiblement, le jour s'enfuit, la baie de Talo Udang me fascine, dans la lumière déclinante, les rives de jungle ombreuse semblent appartenir à un autre monde. Je suis vraiment heureux d'avoir partagé cela avec Stefano, il à rendu l'histoire plus délirante et plus extrême, m'a tiré derrière lui comme une remorque, si il m'avait écouté, nous aurions dormi en forêt et n'aurions pas eu l'ivresse d'approcher nos limites.
Avant que la nuit ne tombe, je suis allé un peu me balader vers les mangroves, quelle paix, un endroit sans âme qui vive et vierge de la bruyante foule des touristes, pas un bruit, juste le clapot de l'eau dans les racines, à la marée montante.
Au retour l'eau à beaucoup monté et le ruisseau est devenu quasiment une rivière, je trébuche en le traversant et mouille mon appareil photo, c'est un reflex et il n'est pas du tout étanche. La tuile! je n'ai plus accès à aucune fonction ni réglage de l'appareil, tout ce que je sais c'est qu'il peut toujours prendre des photos, c'est mieux que rien. Il faudra que je trouve un appareil étanche pour la prochaine fois, cela fait plusieurs années que je balade celui-ci partout et n'importe ou. C'est un miracle qu'il ait résisté si longtemps.
Nous avons le cœur gros en regardant rougir les cimes des arbres à l'Ouest, demain matin nous quittons cet endroit pour rendre à Pet et sa compagne, leur tranquillité. Nous irons de nouveau sur la vieille piste endormie réveiller les fantômes assoupis des prisonniers morts..
Deux chiens ont disparu, ils n'ont pas répondu aux appels et ne sont pas venus au casse-croûte, sans doute que le python lui, est venu au sien..
A suivre...

La chambre des petits..


Stefano dans ses œuvres...

Tiens, si on allait voir les humains?
Tout au fond, l'île Malaisienne de Langkawi

Mina nettoie les coquillages

Un dangereux molosse!






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