Retour au Cambodge



Je pense à mon prochain retour sur mon île favorite, ses animaux sa forêt secrète, ensuite j'irai sans doute voir un ami qui compte s'installer au Cambodge, là-bas dans le Sud, près de la frontière du Viet-nam. De cet endroit, en bord de mer, on voit l'île de Phu quoc, ou j'avais séjourné il y à 4 ou 5 ans. Je me suis souvenu de mon court séjour au Cambodge et j'ai retrouvé un carnet ou j'avais noté quelque impressions du moment, je l'avais oublié et je suis tombé dessus en faisant un peu de rangement, ce qui ne m'arrive pas souvent. J'ai relu ces quelque pages de petit format et me suis dit que je devais en laisser une trace avant de les oublier de nouveau...

Quel drôle de pays, le Cambodge, pour peu que l'on ait la sensibilité pour cela, on sent malgré soi les multiples blessures de ce peuple, les Cambodgiens sont doux et patients, les plus jeunes n'ont pas connu les années du cauchemar et pour les autres, ce n'est qu'un souvenir que l'on tente d'oublier, un mauvais rêve, loin derrière eux, sur la roue de la vie, et la pauvreté n'altère pas leur humeur. Je sais hélas, qu'avant de quitter Pnom penh, je ne pourrai pas éviter la visite de Tuol sleng, le lycée transformé en centre de torture par les Khmer rouges, Go, mon conducteur de tuk-tuk attitré, tient absolument à m'y emmener et je ne peux refuser malgré que cela ne soit pas du tout dans mon planning, ce n'est pas normalement, le genre de balade que je fais.
Au pied d'un wat, sur l'esplanade, des gens consultent les diseurs de bonne aventure, assemblés sous des tentes comme un marché de l'avenir. Avaient-il su prédire la terrible malédiction qui allait s'abattre sur eux pendant plus de quatre années de souffrance, de boue et de sang? Ton futur est dans les photos noir et blanc d'hommes et de femmes terrifiés qui couvrent les murs décrépits de Tuol sleng...
Une femme s'arrête pour tendre à la cartomancienne des oignons roses dans une bassine verte, posé sur le parasol de toile délavée, un plateau de bambou tressé et sa poignée de riz, sert de mangeoire aux moineaux. Un homme parle dans son portable, une enfant dans une robe à fleurs sale passe, s'arrête, et se frotte le nez, en regardant flotter un drapeau safran, une odeur d'encens parvient à mes narines. Quelque secondes, le temps s'est figé, les oiseaux ont disparu, la marchande d'oignons aussi, l'enfant s'est évanouie dieu sait ou, je suis à Pnom penh, Cambodge...
Balade à pied dans le bruit, la poussière et la chaleur d'une ville du Sud-est Asiatique. Image devant l'entrée d'un lycée: un vieil homme sale et dépenaillé, à genoux dans la terre rouge et poudreuse, mendie quelque Riels à des étudiantes propres et lisses en chemises immaculées. Depuis le pont enjambant la rivière Tonle sap, je vois un cerf-volant, haut dans le ciel, au-dessus de la boue des rives, des barcasses en cale sèche et des cabanes de tôle et de bois, dressées sur leurs pilotis. Un minuscule esquif remonte l'eau jaune, manié par un enfant, il interromps son mouvement de rame et lève le visage, j'imagine que son cœur rêve et suit le vol du cerf-volant, tout la-haut, plus haut encore vers le ciel pur, au-dessus de la rivière Tonle sap et des baraques de fortune plantées dans le limon. Dans le soleil déclinant, on les croirait revêtues du même or que les temples, pleines de fierté dans leur pauvreté magnifique...
Assis sur un muret de ciment encore chaud, devant le paresseux Maekong, je discute avec Go, des poules grattent sur la berge, un coq chante, un vieux ferry-boat délabré, décharge un peu plus loin, véhicules et passagers dont les ombres s'allongent dans la lumière rasante, des mobylettes qui passent sur le chemin au long de la rive, soulèvent une poussière dorée, j'entends un appel qui fuit sur les flots crémeux, un homme sans mains, accompagné d'un enfant, marche dans son ombre violacée, si longue...
Un oiseau bleu à lancé au-dessus du bosquet de bambous, un cri grinçant qui fuse comme une flèche de fer dans l'air asséché. Puis il s'envole à la poursuite de sa propre voix et ses plumes dans la lumière, son corps dans l'espace, sont un morceau de ciel dans les cieux, il se fond et disparaît, les feuilles dans le bosquet de bambou chantent un murmure, j'ai finalement oublié ou je suis, mais quelle importance cela à-t-il?

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