Plage?

Aujourd'hui, déménagement, le boss de Deng, ayant jugé qu'il travaillait plus souvent à Molae qu'à Ao Son, lui ordonne de déménager de son bungalow pénard sur la colline, pour la maison commune à côté de Kaï et Pitcha, notre ami Deng, n'est pas absolument ravi de quitter le logement sympa qu'il occupait avec son épouse et sa petite fille, mais ici, on respecte les décisions de la hiérarchie. C'est en grimpant et descendant la colline que je me rends compte de l’efficacité des balades en forêt pour garder la forme. Il faut récupérer les meubles et les cartons en haut de la colline, redescendre à la rivière, les poser sur le bac improvisé: cordes et blocs de polystyrène pour leur faire traverser l'eau et les charger sur le camion bleu qui, ordinairement, sert à transporter les touristes, en suite, remonter la colline et recommencer. C'est un travail qui est loin d'être facile, mais je tiendrai le coup jusqu'au bout, soufflant et transpirant. A un moment même, je vais me retrouver tout seul, seulement secondé par Deng, Alberto s'est vite défilé, se plaignant d'avoir mal aux pieds, Stefano s'est posté de l'autre côté de la rivière pour réceptionner, et le gamin qui était avec nous au début à disparu. A la fin de la journée, pourtant, coup de main inespéré de toute une troupe de rangers, sans doute réveillés de leur sieste pour nous aider à charger le bric-à-brac sur le camion. Nous sommes partis, juchés sur un tas de bricoles hétéroclites, matelas, cages à oiseaux avec les oiseaux à l'intérieur, étagères de fortune, bidons, pots de fleurs, il faut se baisser de temps en temps pour ne pas se prendre les branches dans la figure. A l'arrivée, topo inverse, on décharge, et le soir, repas gratuit, préparé par la meilleure cuisinière du coin, l'épouse de Pitcha. La journée est vite passée, demain, "in the jungle again".
Je voulais juste une journée "plage", sur ma plage favorite, bien sûr, j'avais aussi envie de changer d'itinéraire pour m'y rendre, histoire de corser la balade. Et bien pour la corser, elle l'a été, j'ai marché pas mal de temps, me fiant à une intuition  vacante, grimpant colline après colline, pour finalement me rendre compte que je m'étais perdu. Au pied d'un arbre énorme, bien plus gros que ses collègues alentour, j'ai bien du constater que je n'étais pas sur la bonne route, si j'avais croisé un végétal de cette taille auparavant je m'en serais souvenu, une écorce argentée, des branches massives qui se découpent dans une trouée de ciel cobalt, le grand-père des arbres marquait les limites de mon sens de l'orientation. Je n'avais pas pris le GPS, pour un petit kilomètre de jungle, cela n'en valait pas la peine, juste la boussole pour la direction approximative et je n'aurais pas fait un bon navigateur. Normalement, pour s'orienter, il faut des points de repère, mais ici, arbres devant, derrière et sur les côtés, j'ai beau marcher à l'ouest, je tombe toujours sur des pentes trop raides, que je ne reconnais pas, des ruisseaux que je n'avais jamais vus et trop de collines escarpées, je contourne, j'évite. Finalement, je me suis assis sur un rocher, planté dans une pente, pour manger un morceau et constater que je marchais depuis presque trois heures vers une destination qui n'était pas la bonne, normalement, il me faut rarement plus d'une heure pour parvenir à la plage à partir de la route, mais le soleil est encore haut et cet endroit est vraiment sauvage et beau, encaissé entre deux collines très pentues, coule un ruisseau qui chuchote sur les cailloux, les arbres sont pleins d'oiseaux qui s'égosillent, de la verdure et de la paix, je ne suis quand même pas perdu dans "l'enfer vert". Cela m'ennuie beaucoup, mais si je veux faire marche arrière, pas de plage pour cette journée, le temps que je la retrouve et il faudrait que je rentre, sinon je me ferai prendre par la nuit, sans aucun équipement, pas question de dormir par terre. Alors, je reviens sur mes pas, mais pas vraiment, car je ne reconnais pas plus l'aller que le retour, cette souche rouge, toute pourrie, qui dresse vers le ciel des sorte de crocs menaçants, je ne l'ai jamais vue, ou alors pas dans cette vie, et cet étroit passage plat, tout marécageux et boueux, collant comme un chewing-gum au soleil, non plus. Là, faut le dire, je suis bien plus fatigué qu'après une journée à la plage, mais pas si mécontent non plus, j'ai exploré des endroits que je ne connaissais pas, j'ai dépensé de l'énergie, absorbé des sensations, un échange équitable en somme, et finalement, suant, trébuchant dans les lianes, éreinté et heureux, je distingue le ruban de ciment de la route, entre les troncs, avec le même sentiment qu'un voyageur perdu dans le désert, trouve une oasis. En émergeant de la forêt, je me rends compte que trois ou quatre filles me regardent d'un air effrayé, comme si elles s'attendaient à voir Bigfoot ou le Yéti, pas besoin de me faire un dessin, en arrivant sur la route, elles ont entendu le bruit que je faisais en me frayant un chemin et se sont demandé avec effroi, quel monstre allait apparaître, le fantasme de la jungle, vous voyez? Je ne suis pas vraiment sûr que le fait de voir que je suis un être humain les rassure vraiment, elles doivent penser qu'il ne faut pas être normal ou au moins un dangereux psychopathe pour aller se balader là-dedans, moi, en tout cas, au moins aujourd'hui, je me sens drôlement humain, même qu'il y à des fois ou ça ne m'ennuie pas du tout!

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