C'est quoi, la date, aujourd'hui?

Le soir, Stéfano est venu depuis Ao Son, il aime faire le chemin dans la nuit, surprendre des animaux, écouter les bruits, il aime cette île et pense comme moi, qu'elle fait partie des derniers sanctuaires naturels dans cette région. Kai est parti sur le continent voir son fils, sa joyeuse compagnie me manque, je me sens au bout du monde, ce monde-là étant rond, il est par définition plein de bouts et j'aime ces bouts-là, juste pour la sensation d'être loin. Le voyage, ce n'est pas seulement prendre l'avion pour aller dans une contrée lointaine ramener des souvenirs et des photos, se dépayser, comme on dit et épater ses collègues de boulot. C'est aussi, laisser loin derrière, une vie qui nous convient seulement parce-que les conventions l'ont décidé ainsi, son seul intérêt étant qu'elle nous apporte la sacro-sainte Sécurité, une illusion, car la sécurité n'existe pas, la vie nous l’apprends. La seule chose véritablement passionnante dans le voyage, c'est rencontrer d'autres gens, voir d'autres paysages, contempler la planète avant que nous, les hommes, l’ayons complètement bousillée pour faire de l'argent. 
Dans la nuit, j'ai été réveillé par les vaches sauvages, j'ignore d’où elles viennent à l'origine mais le fait est qu'elles sont là. Elles se cachent le jour, aussi invisibles que si elles n'existaient pas et la nuit, elles viennent rôder auprès de la plage, sur des espaces ouverts, comme si, malgré tout, elles avaient gardé la nostalgie de leurs anciens pâturages. J'entends des mugissements qui me semblent venir de tout près, je tire silencieusement le zip de l'entrée, je glisse ma tête et dans la pénombre, j'entrevois un gros taureau à bosse, noir et massif, j'ai saisi mon appareil photo mais après réflexion, j'estime que le flash risque d'affoler l'animal, alors, ne sachant si elle va choisir de charger mon fragile abri de toile ou fuir dans l'autre sens, je finis sagement par renoncer. J'essaie de me rendormir, mais un bruit tout près, éveille ma curiosité, un veau, vraiment jeune, est en train de renifler ma tente, posant son museau humide sur la moustiquaire, à quelque centimètres de ma propre figure, j'aime bien les bestioles, mais parfois, et même souvent, elles sont vraiment envahissantes.
Avec Stefano, on à planifié une balade, je ne sais pas trop ou on ira, je sais seulement que c'est après le sentier de la cascade de Lu du, ça risque d'être folklorique étant donné qu'il est dix ans plus jeune que moi et porteur d'une énergie vraiment étonnante.
En attendant, je suis parti encore en forêt, je ne peux m'en empêcher, et je me suis perdu, je ne savais vraiment plus ou j'étais, mais il faut relativiser, c'est une île. Je suis tombé sur le grand-père des arbres, je ne sais pas son nom, mais c'est un diptérocarpe, c'est certain, ils représentent la majorité des espèces ici, ils laissent tomber sur le sol des graines volantes, à la manière des érables. Celui-là est vraiment grand, pour ce milieu, c'est pas mal, environ soixante mètres de haut, des branches massives, une écorce argentée, des racines comme des contreforts de cathédrale. Les arbres sont des êtres vivants et je suis heureux d'être au milieu d'eux, tout seul, quel privilège magnifique, dans un autre endroit, une autre jungle, ce serait sans doute dangereux, ou du moins plus que ça ne l'est ici. A part ce gros varan gris, au moins trois mètres de long, un vrai crocodile, mais bien moins agressif, qui s'enfuit dans un raffut de bois brisé, il n'y à pas d'animaux vraiment dangereux. Si, il y à quelque serpents, dont le cobra royal, mais en général, en-dehors de la saison de reproduction, ils ne sont pas dangereux, ceci dit, je ne vais pas frimer, je fais très attention ou je pose mes pieds et j'ai eu quelque frayeurs pour avoir posé le pied sur une branche qui s'est dressée un peu trop brusquement..

Commentaires

Articles les plus consultés