l'invité surprise (14)

Je nageais dans une eau noire, je n'avais ni chaud, ni froid, ni même aucun besoin d'air, j'avais du me transformer en poisson décoloré et aveugle, dans une de ces cavernes sans lumière J'agitais mes nageoires, mais sans avancer, et puis, j'ai vu une vague lueur grise, juste un peu, très lointaine. Je nageai vers le haut, péniblement, mais Il me sembla que la surface se rapprochait, l'étouffant silence des flots noirs, laissa transparaître des bruits ténus, qui me parurent  sur l'instant, incongrus, déplacés, puis je reconnus l’écho assourdi de plusieurs voix, dont je ne pus discerner si elles étaient humaines ou non et un ronronnement doux et continu, qui me berçait. Je sentais quelque chose de mou, sous mon dos, j'en étais d'abord venu à la conclusion qu'il y avait une vie après la mort. Mais si je sentais et entendais, c'est que j'avais toujours un corps et que, par conséquent, je n'étais pas tout à fait décédé. Je n'osais pas trop bouger ni ouvrir les yeux, je voyais, à travers mes paupières, filtrer une lumière, je me souvins du combat perdu contre les Rôdeurs, et conclus avec une inquiétude certaine, qu'ils nous avaient capturés, qu'ils allaient nous pomper la cervelle ou nous torturer de je ne sais quelle manière vicelarde à la mode dans leur galaxie de merde, et que c'était chiant de pas être resté mort, quand je reconnus une voix. Elle disait: il va bien? vous pensez qu'il n'a rien? il me sembla que je reconnaissais cette voix de femme, oui, c'était bien celle de Mady. Une autre voix répondit, je reconnus celle de Zeb: Rien du tout, il à rien du tout, il à été secoué et il s'est pris un vol, mais c'est sans conséquences, y'a aucune chance qu'il se soit chopé un meilleur caractère! J'entendis pouffer Mady et le rire sonore d'Alex, il me sembla même reconnaître le couinement de Yorkshire du vieux. Là je me sentis obligé d'ouvrir les yeux, je restai un instant figé, je regardais du ciel bleu, tout bleu, je me redressai en position assise. Tout le monde était là qui me regardait. Putain de merde! fis-je, on est ou?  Vous voyez? fit Zeb en tendant sa main vers moi, paume en l'air, et tout le monde rit de plus belle.
Je serrai mes vieux amis Terriens dans mes bras, heureux de les voir en bonne santé, ils étaient radieux, fatigués et...en vie. Comme le disait un illustre inconnu: tant qu'il y à de la vie, il y à de l'espoir.. Et eux, ils en avaient. Mes amis Extraplanétaires aussi étaient en forme, je ne sais pas comment il font, si ils font du sport ou bien prennent des vitamines, mais ils ont toujours la pêche!
En fait, comme ils me l'expliquèrent, on était dans leur vaisseau, leur soucoupe ou leur..euh.. "Vimanas" comme ils disent. Nous étions tous dans une salle ovale ou oblongue au plafond transparent, dans le milieu trônaient des sortes de pupitres sans boutons ni manettes d'aucune sorte. Seulement des sortes de dessins vaguement géométriques et luminescents. Tout autour de la pièce, le long des parois, il y avait des banquettes grises comme celle sur laquelle j'avais été couché. On entendait un ronronnement doux, à peine perceptible, j'avais seulement l'impression d'être dans une maison avec un dôme de verre pour plafond, mais Zeb me précisa que nous étions au-dessus de l'océan Atlantique. Après avoir "neutralisé" les Rôdeurs au moment ou ils allaient nous faire un mauvais parti, la seule solution qu'ils avaient trouvé avait été de tous nous embarquer pour nous mettre hors de portée des représailles. Nous avons étés pris de court, me dit le vieux, la désastreuse initiative des Rôdeurs d'enlever votre amie, le fait qu'elle ait su prévoir ou ils l'emmenaient. Ensuite cette folle expédition de sauvetage et votre résistance désespérée, tout avait été très vite , vous avez failli mourir et nous aurions été responsables! Il avait l'air passablement  bouleversé de ce constat.  Conclusion: nos ennemis, et les leurs, étaient toujours vivants, du moins ceux que nous n'avions pas étendus pour le compte. Ils avaient seulement reçu une giclée de ce fameux rayon invisible qui nous avait envoyés valdinguer, je regrettais d'avoir loupé ça. Des questions me brûlaient les lèvres: comment se faisait-il qu'ils épargnaient des ennemis qui voulaient leur mort? pourquoi ces derniers pensaient-ils que les "Vimans" allaient se livrer rien que pour sauver des humains? J'interrogeai le Prof, puisque dans ce couple d'étrangers "venus d'ailleurs" il semblait le dépositaire du savoir et de l'autorité. Mais le faire parler fut plus difficile que je ne l'aurai cru, j'obtins seulement la réponse qu'ils avaient un code de conduite qui leur interdisait de prendre la vie d'un être vivant. A la manière dont il me tourna le dos pour vaquer à ses occupations, j'en conclus que je n'en tirerai rien de plus pour l'instant. Bon sang! me disais-je on est dans leur foutu vaisseau! des gens de notre monde, seraient excités comme des puces sur un plaque chauffante et tout ce que je peux faire, c'est me coucher et dormir. J'étais crevé, j'aurais bien fait un somme, mais je m'en sentais incapable, vous auriez dormi, vous? Par contre Alex et Mady, eux, s'étaient endormis, assis côte-à-côte appuyés l'un contre l'autre, ils auraient pu être dans la salle d'attente d'un aéroport international, ou dans leur salon, devant la télé allumée, je les enviais, mais même allongé, tout ce que je pouvais faire, c'était regarder le ciel bleu, avec parfois un bout de nuage éffiloché qui passait à toute vitesse. Peut-être qu'en ce moment, des gens regardaient le ciel et disaient: Ouah! regarde! un OVNI!  putain! j'y crois pas! et moi, j'étais dedans, juste dedans le foutu OVNI dans le ciel, celui des photos floues et des hypothèses à la con. Je me demandais si je n'allais pas commencer à me prendre le melon. Y'a de quoi être énervé tout de même, et pendant ce temps, mes deux vieux ronflaient, comme des amoureux épuisés d'avoir forniqué dans les buissons, dormiraient sur un banc public. Zeb et le prof, devant les pupitres de machin-truc avaient l'air absorbés par un boulot auquel je ne comprenais rien. Je me demandais comment j'allais payer mon loyer et prévenir au boulot que j'allais être absent un certain temps, faudrait que je trouve une excuse plausible, que je devrais inventer, parce que la vérité, elle, risquait de ne pas être très "plausible". Je ne savais pas non plus combien de temps nous devrions rester cachés, ça faisait beaucoup d'inconnues et ça me gonflait un peu, fallait attendre quoi? que les Rôdeurs meurent de vieillesse? ça risquait de prendre du temps!
Un peu plus tard, le "vimana" parut prendre une inclinaison pour descendre vers le sol et effectivement au bout de quelque minutes il traversa une couche de nuages, je vis monter vers nous la verdure du sol, je vis une rivière qui scintillait en serpentant dans la végétation. Le plancher de l'engin s'inclina à quarante cinq degrés sans que notre notre stabilité physique soit compromise. Je parie que si il se mettait à voler sur le dos on resterait les pieds collés au plancher, c'est quand même beau la technologie! Mais je me demandais sincèrement et pour la énième fois, comment j'allais pouvoir continuer à vivre une vie normale après tous ces trucs de dingue. La verdure devint un moutonnement qui se perdait vers l'infini de l'horizon, dans toutes les nuances du vert, avec parfois du brun.  Je reconnus sans doute possible, une forêt, une immense forêt. L'engin volant se redressa et je ne vis plus rien que le ciel bleu parsemé de quelques nuages.
Qu'est-ce que ça pouvait m'énerver de ne rien savoir, le prof parut s'intéresser de nouveau à nous, il vint vers moi et me dit: nous devons vous faire subir un petit traitement avant de vous déposer... V'là aut'chose! un "traitement" maintenant... Voyant l'expression méfiante sur mon visage, il précisa: rien de douloureux, jipé, juste pour vérifier que vous n'êtes porteurs d'aucun virus, ni de maladie transmissible d'aucune sorte.  Chacun à notre tour, il nous soumit au rayonnement lumineux de son "galet multi-usages", dont la lumière était, cette fois légèrement verte, je ne sentis absolument rien, ce qui me déçut quelque peu. Ils voulaient nous garder en bonne santé, c'était déjà ça, mais la curiosité me rongeait: pourquoi on fait un truc anti-virus, demandais-je l'air de rien, c'est dangereux ou on va? Les deux "Vimans" se regardèrent avec un sourire de connivence, Non, fit le Zeb, c'est pour la sécurité de vos hôtes...  Nous devons vous faire aussi un implant, glissa le vieux, aussi innocemment qu'il pût, visiblement il appréhendait quelque peu ma réaction. Je ne le déçus pas: Quoi? j'ai dit, alors ça y est? on nous fait la panoplie de l'enlèvement extraterrestre! maintenant on va nous coller une saloperie sous la peau!  C'est quoi? c'est pour nous suivre à la trace? cette année les étrangers de l'espace ont rien d'autre à foutre que de marquer les humains? Non, non, protesta le prof, visiblement contrarié que je le prennes ainsi, il s'agit seulement d'un implant de communication: les gens qui vont vous héberger, ne parlent pas votre langue, et vous, bien sûr, ne parlez pas la leur, cet implant vous permettra de communiquer dans leur idiome, c'est tout, nous voulons juste vous aider! Je me mis à rigoler: vous fâchez pas, Prof, pouffai-je, je déconne!, c'était pour rire! vous pouvez même m'implanter un grille-pain, si vous voulez!  je voulais juste vous taquiner! J'entendis ricaner Zeb, dans le dos du vieux et lui, l'entendit aussi, il se retourna brusquement et le fusilla du regard. Je tapotai son épaule maigre : Hé prof! relax! on rigole! il sursauta, peu habitué qu'il était aux familiarités, mais me regarda sans colère, il me sembla que dans son visage étroit à la peau grise ses lèvres minces esquissaient un sourire...
(à suivre...)

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